Chronique

Charles Lloyd

Wild Man Dance

Charles Lloyd (ts), Gerald Clayton (p), Joe Sanders (b), Gerald Cleaver (dms), Sokratis Sinopoulos (lyre grecque), Miklos Lukacs (cymbalum),

Label / Distribution : Blue Note

Charles Lloyd est immortel. A 77 ans, il continue de tracer obstinément son sillon, celui d’un jazz éthéré et lyrique, ancré dans la tradition des anciens. En témoigne ce Wild Man Dance, qui paraît chez Blue Note trente ans après sa première collaboration avec ce label [i]. Wild Man Dance est une longue suite en six mouvements composée par Lloyd à l’invitation du Festival Jazztopad de Wroclav en Pologne et enregistrée en public.

Lloyd s’entoure ici de son nouveau quartet, auquel s’ajoutent deux instrumentistes venus des musiques traditionnelles, Sokratis Sinopoulos à la lyre grecque et Miklos Lukacs au cymbalum, qui participent totalement de l’ambiance générale du disque, apportent des couleurs et créent des atmosphères sur lesquelles le quartet vient s’appuyer. Parfois un peu démonstratifs, leurs solos auraient mérité un peu plus de concision afin de ne pas tomber dans le cliché de la virtuosité.

Chacun des mouvements de cette suite se développe dans la durée (entre 8 et 16 mn) sur une trame quasi identique : introduction (servant de transition entre les pièces et agissant comme des respirations dans cette musique dense et foisonnante) de Gerald Clayton au piano, souvent soutenu par la lyre et/ou le cymbalum, entrée de la paire rythmique Joe Sanders / Gerald Cleaver pour asseoir le tempo, puis irruption de Charles Lloyd. Celui-ci expose le thème, puis souffle de petits motifs lancinants autour desquels il s’enroule et s’envole, au-dessus d’un maelström de timbres et de textures, avant un long decrescendo collectif aboutissant au mouvement suivant.

Généreuse et enlevée, cette « Danse de l’homme sauvage » n’est pas sans rappeler une autre suite célèbre, A Love Supreme. Le son de Lloyd se confond étrangement avec celui de Coltrane. Le jeu de cymbales de Cleaver, formidable rythmicien tançant sans cesse le saxophoniste, se rapproche de celui d’Elvin Jones. Quant à Clayton, pour utiliser davantage les aigus que McCoy Tyner, il n’en est pas moins percussif comme lui.

En signant chez Blue Note, Charles Lloyd déclarait vouloir « étendre [ses] ailes et trouver de nouveaux courants ascendants pour [s’]envoler ». Avec ce disque il tutoie les sommets.

par Julien Aunos // Publié le 29 juin 2015

[iA Night In Copenhagen, enregistré en live en 1983 et paru en 1985, avec Michel Petrucciani, Palle Danielsson, Woody Theus, ainsi que Bobby McFerrin en invité.