Le Monde Merveilleux de Pépito
Memories From a Winter Journey
Pierre-Antoine Savoyat (tp, flh), Simon Groppe (p), Fil Caporali (b), Oscar Georges (dms) + guests
Label / Distribution : Auto Productions
Difficile, quand on sort un premier album en tant que compositeur et arrangeur, de ne pas vouloir tout mettre, jusqu’aux effets de manche. Et ce, même quand une certaine réputation vous précède [1] et que l’exercice est attendu. C’est à l’aune de cette vérité qu’il faut juger la musique riche et équilibrée de Memories From a Winter Journey, le premier album du Monde Merveilleux de Pépito (MMP), quartet du trompettiste et bugliste Pierre-Antoine Savoyat. Repéré dans les orchestres en grand format pour son jeu et son sens très raffiné de l’arrangement, il s’est entouré d’une équipe de fidèles pour enregistrer une musique très personnelle, non dénuée d’émotion ; le pianiste Simon Groppe est le pilier d’un orchestre qui s’appuie beaucoup sur une rythmique solide, menée par la batterie coloriste d’Oscar Georges et du contrebassiste Fil Caporali, membre du Synestet d’Hélène Duret. Le pianiste est chargé de choisir les climats et d’ouvrir les perspectives, comme dans « Nouvelle idée », morceau très concertant où les cordes invitées montrent l’attirance de Savoyat pour Ravel.
Car la notion de « quartet » dans le MMP a de furieuses allures de nonet transformiste. Aux côtés de son noyau, Pierre-Antoine Savoyat s’offre de quoi donner de l’ampleur à ses belles compositions : le saxophoniste Ambroos de Schepper permet un équilibre parfait entre les timbres et les soufflants ; les cordes sont un régal. Ainsi du très beau « L’Absente », qui commence dans une dissonance légère pour laisser le bugle teinter le propos de spleen ; du violoncelle de Sinouhé Gilot jusqu’à l’alto aventureux de Coline Meulemans, le rôle des cordes est de donner de l’espace à un propos où le lyrisme sert avant tout à ne pas laisser les émotions déborder. L’équilibre, toujours.
On est surpris de la grande maturité du trompettiste, de son écriture chevronnée et de ses arrangements brillants qui parviennent, luxe ultime, à ne pas être trop parfaits. Sa reprise de « What a Wonderful World », sorte d’exutoire après avoir mis beaucoup d’intimité dans l’album, aurait pu être trop appuyée, mais le climat apaisé de son quartet offre au contraire une plage de quiétude où la contrebasse de Caporali brille foncièrement. Ce voyage en hiver est rigoureux tout en étant particulièrement généreux. Cela annonce un printemps des plus fructueux pour Pierre-Antoine Savoyat.