Chronique

Natsuki Tamura

Summer Tree

Natsuki Tamura (tp, perc, voc) + Satoko Fujii (voc, p)

Label / Distribution : Libra Records

Dans la droite ligne du travail de sa compagne Satoko Fujii pendant ces mois de pandémie, on retrouve le trompettiste Natsuki Tamura dans un solo qui lui ressemble. Rares sont les soli de cet artiste, et Summer Tree manque presque à cette définition, puisqu’on retrouve Fujii sporadiquement dans les longs morceaux de l’album, au piano et à la voix, comme pour rajouter un axe de contemplation supplémentaire. Car contemplative, l’œuvre solitaire de de Tamura l’est totalement. Enregistré chez lui, à Kobe, voici un voyage immobile, profond, qui s’égare volontairement dans le multivers de l’électronique, à l’image de « Summer Tree » qui pose un paysage. La trompette émerge d’une nappe brodée par les effets d’embouchures, comme des oiseaux insistants qui s’empareraient des branches ; il faut vraiment s’abandonner à ce disque pour en percevoir la profondeur et la profusion d’images.

Avec « Summer Color », on continue à visiter l’été de cet arbre central, d’en vivre chaque seconde en accéléré tout en prenant son temps ; un temps forcément suspendu. Tamura grogne dans son embouchure, une rythmique entêtante se lève en même temps que le jour : c’est le trompettiste qui frappe sur un wok avec frénésie. Pour lui répondre, les basses du piano proposent au sol de trembler sans danger. Des images d’été au Japon - chaleur implacable, humide et imprévisible - affleurent sans qu’on y songe vraiment, comme une ombre projetée. Idem dans « Summer Wind » qui est sans doute le morceau qui ressemble le plus à son auteur ; le vent n’est pas étranger au trompettiste de Kaze, et au milieu du chant de sa compagne, qui psalmodie et souffle pour offrir du relief à une trame très dense, on retrouve les partis pris de cet orchestre.

Plus que jamais, la musique de Natsuki Tamura fait corps avec les éléments. Sa trompette est un medium qu’il utilise pour susciter des images, instaurer des climats. Ceux de Summer Tree sont très oniriques. Il n’est pas anodin que sur le dernier morceau, dans le ronflement plus sourd d’une embouchure fardée d’électronique, la trompette dégage une mélodie lointaine qui s’attache à laisser de la place au silence. Summer Tree est un bel exercice poétique.

par Franpi Barriaux // Publié le 16 octobre 2022
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