Scènes

Neige rien à l’Atelier du Plateau (Paris)

Claude Tchamitchian, Guillaume Roy, Christine Roillet et Corinne Frimas mettent en musique et en lumières (Marie Bellot) les mots de Valérie Rouzeau, « Neige rien », dans une mise en scène de Michel Froehly. À l’image des poèmes, le spectacle est drôle, touchant, vivant.


Claude Tchamitchian, Guillaume Roy, Christine Roillet et Corinne Frimas mettent en musique et en lumières (Marie Bellot) les mots de Valérie Rouzeau, « Neige rien », dans une mise en scène de Michel Froehly. À l’image des poèmes, le spectacle est drôle, touchant, vivant.

Les murs ont encore changé à l’Atelier du Plateau, merveilleuse petite salle de théâtre, de musique et de cirque du XXe arrondissement de Paris : tout blancs et semés de figures géométriques pastels ; c’est un grand « freaking out » qui nous accueille à l’entrée. La scène est presque vide, quelques chaises, une contrebasse couchée. Un gâteau à la carotte et au citron vert plus tard, elle est investie par un violon et deux comédiennes. Claude Tchamitchian, Guillaume Roy, Christine Roillet et Corinne Frimas mettent en musique et en lumières (Marie Bellot) les mots de Valérie Rouzeau, Neige rien, dans une mise en scène de Michel Froehly. À l’image des poèmes, le spectacle est drôle, touchant, vivant.

« Il a une surprise pour moi dans ses yeux si profonds,

Je deviens gaie comme un poisson

Une surprise pour moi je nage dans son pantalon
 »

Si c’est un « Je » au féminin qui prend la parole, jamais il ne tombe dans l’écueil du nombrilisme ou de l’étroitesse. La poésie, tremplin qui porte tout le spectacle, squelette fragmentaire, dit le vent, le ciel, l’eau, la terre, le brin d’herbe et les moulins. Valérie Rouzeau défait les hiérarchies, à l’image de la mise en scène, qui mêle musique et théâtre, oral et écrit, improvisation et composition, sans que l’une des parties prenne le pas sur les autres. Un travail d’équilibriste.

Photo X/DR

Les deux comédiennes racontent des points de vue – des points de vie – en rouge et bleu : Christine Roillet, jupe volante et chemisier rouge, amène avec grâce son passé de danseuse contemporaine sur la scène ; Corinne Frimas, pantalon droit et chemisier bleu, est davantage du côté de la comédie. Sous leurs airs de clowns, elles tissent un fil qui, tout en reliant chacune des parties du spectacle (musique, parole, jeu), ne se confond avec aucune. Funambules, elles tâtent de l’orteil un humour teinté de mélancolie, appuient leur talon sur des images simples et précises, conversent enfin avec le violon et la contrebasse. Toutes les combinaisons sont possibles pourvu qu’elles soient éphémères : on imite l’autre, on veut le chasser, l’impressionner, le surpasser, puis on l’accompagne, en file indienne, on marche, on danse, on regarde, on s’en va, on s’assoit…

Guillaume Roy, dont l’immense ombre se promène sur le mur, emmène son instrument dans une folle improvisation pour s’arrêter brusquement, la moue boudeuse ; Claude Tchamitchian fait de sa contrebasse une guitare pour mieux séduire la belle, avant de finir en véritable rock star. Neige rien joue avec les genres et les identités, tout en s’emparant intelligemment de l’espace proposé.

L’escalier qui mène aux loges est le théâtre de changements de couleurs ; du rouge et bleu on passe au vert, un parapluie ouvert, et le tour est joué. Les geste sont chorégraphiés et les situations infinies, les mots sont doux et concrets. Des regards sur des mains, une chaise qui grince, un sourire gêné, un élastique pour les cheveux… ce sont des petits rien, qui font un grand tout.