Scènes

Un ETE au Faucheux

Le trio d’Andy Emler sur la scène du Petit Faucheux le 6 décembre.


Trio ETE : Andy Emler, Claude Tchamitchian, Eric Echampard, photo Christophe Charpenel

Quoiqu’au cœur de l’automne, le trio ETE vient réchauffer les cœurs avec un programme qui n’a pourtant rien de joyeux. Sur la scène du Petit Faucheux, Andy Emler, Claude Tchamitchian et Éric Échampard déroulent un programme d’une parfaite cohérence et d’une belle interprétation, la connivence et l’humour en plus.

Quatre disques sont à accrocher à son palmarès depuis 2003 que le trio existe. Émanation du noyau dur que constitue la rythmique du MegaOctet, le trio ETE réunit le pianiste Andy Emler, le contrebassiste Claude Tchamitchian et le batteur Éric Échampard pour une formation qui a tout des canons du piano jazz mais n’en a décidément pas l’esprit. Ou du moins, pas au premier abord.

Sur le plateau du Faucheux, face à un public attentif et nombreux, les trois musiciens sont à leur aise. Ils se fréquentent depuis toujours, sont complices même - les rires et les coups d’œil en coin durant le concert en attestent, et surtout ont définitivement remisé dans les vestiaires la prétention à la virtuosité. Ici, il s’agit avant tout de défendre un répertoire.

En l’occurrence celui de The Useful Report, sorti en 2022 sur le label La Buissonne et qui traite du bouleversement climatique. Rien de particulièrement politique dans la musique, mais le moyen pour Emler, qui en a composé les pièces, d’aborder le sujet sans détour. Les titres parlent : « The Fake », « The Lies », « The Worries », « Indecisions », « Broken Glace », « No Return ». Rien de bien joyeux et pourtant tout dans le concert nous emporte irrémédiablement.

Andy Emler, photo Christophe Charpenel

Sur une montée progressive et intense du piano, Emler fait jouer une gymnastique digitale axée sur la répétition d’un motif complexe et mathématique. Soutenu par une basse et une batterie qui s’accordent au diapason de cette introduction, le trio progressera avec une rare cohérence tout au long de la soirée. Pas de parties solistes, mais plutôt des initiatives solistes au sein d’un ensemble qui s’appuie sur la batterie rock et toujours précise d’Échampard. Tchamitchian, quant à lui, visiblement d’humeur rieuse ce soir, apporte la chair et la pulsation profonde.

Les trois musiciens sont attentifs aux autres et font preuve d’une concentration pleine pour mettre en mouvement une musique qui emporte l’auditeur sans jamais faiblir. Lyrisme, débordement rythmique, puissance de chaque geste en font un trio fortement resserré et indispensable dans le paysage actuel car loin des académismes qu’entretient un certain jazz. S’ils en possèdent la grammaire qu’ils adaptent avec intelligence, les trois musiciens font surtout œuvre originale et d’une beauté pleine.