Chronique

Guillaume Roy Quartet

Exubérances

Guillaume Roy (vla), François Corneloup (bs), Christophe Monniot (as, ss), Julien Padovani (p)

Label / Distribution : Le Triton

Voici plusieurs années qu’on trouve Guillaume Roy au cœur de formations ambitieuses, en compagnie des improvisateurs les plus intransigeants. Que ce soit pour Amarco avec Claude Tchamitchian et Vincent Courtois ou les Gesualdo Variations de David Chevallier, l’altiste est un soliste recherché. Notamment pour l’approche contemporaine qui est la sienne au sein de l’Ensemble Aleph et de Laborintus ou de manière plus hybride dans le quatuor IXI, qu’il a fondé il y a plus de vingt ans. Avec ce nouveau quartet aux desseins très collectifs, dont il signe la majorité du répertoire, il investit, en compagnie de musiciens à l’évidente proximité, une musique généreuse et incisive. Exubérante, le mot est juste.

Il y a dans l’exubérance mille vertus positives. La vitalité d’abord, que l’on sent jusque dans la pochette rouge vif et qui irrigue la musique de son flot pulsatile. Puis la volubilité de la parole qui, libre et en constante expansion, anime ces quatre fortes personnalités. Elle transparaît dans les titres des morceaux, comme pour mieux réaffirmer son caractère - par exemple « Heureux » (Christophe Monniot) que l’on trouvait déjà sur Station Mir. Ces Exubérances se manifestent par une fougue enthousiaste qui avance collectivement jusqu’au point d’échauffement, celui où l’altiste, après avoir bâti une parole commune avec le saxophone baryton de François Corneloup, s’offre une échappée belle qui ne remet jamais en cause l’absolue solidité de l’ensemble…

Dans chaque recoin de cette formation sans batterie s’échappe un souffle de vie, comme un cri libérateur. Celui-ci n’est ni primal ni strident mais s’instille jusqu’aux tréfonds du piano de Julien Padovani, comme le sang cogne aux tempes. Dans ses notes de pochette, Roy explique que le mot d’ordre est ici de « rester libre, jusqu’à l’imprudence ». Cette formule d’équilibriste que rien ne peut détourner de son but est assénée dès le début de cet album enregistré en deux jours sur la scène du Triton, aux Lilas (93). « De la Certitude » confirme le rôle de Corneloup comme pivot bâtisseur et base du mouvement.

La certitude dont il est d’emblée question ici est celle de l’ostinato tranchant du baryton, autour duquel danse l’alto de Monniot. A mesure qu’il est rejoint par Padovani et Roy, la musique gagne en densité dans un élan inéluctable. La force d’Exubérances tient à ce que, malgré l’intensité qui semble sourdre de chaque morceau, malgré les soudaines tensions naissant du fracas de la main gauche de Padovani dans « Exubérances », on discerne partout des reliefs poétiques où se régénère l’envie de repartir droit devant… Elles sont dans les fragrances mélancoliques qui lient piano et alto dans le préambule d’« Une affaire de goût », ou dans les étincelles d’« Einstein à Rio », nées du frottement permanent de la masse orchestrale. Les accidents féconds de ce quartet intransigeant donnent à Exubérances sa couleur flamboyante. La liberté et l’enthousiasme qui l’animent le rendent indispensable.