Chronique

Christophe Monniot

Station Mir

Label / Distribution : Le Triton

Deux ans après avoir transformé le duo Ozone, qu’il anime avec Emil Spanyi, en une rencontre bardée d’électronique avec le joueur de cymbalum Miklos Lukacs dans le remarqué This Is C’est La Vie, Christophe Monniot se retrouve à bord de cette Station Mir qui fait une large part à l’approche chambriste en compagnie de l’altiste Guillaume Roy, qu’il avait déjà côtoyé dans les Gesualdo Variations de David Chevallier, et de l’accordéoniste Didier Ithursarry, membre de la formation Danzas de Jean-Marie Machado, pour une musique de vif-argent, libre et parfois espiègle (« Lettre à Marie W ») qui se joue des timbres et des couleurs.

Passant avec une constante aisance du sopranino au baryton, il conduit avec maîtrise un trio dont l’instrumentation pourrait paraître bancale, mais dont la stabilité lui permet au contraire de s’exprimer pleinement. La fausse frivolité d’un morceau comme « Mécanique Samovar » recèle une grande complexité ; au fur et à mesure que les deux altos, celui de Roy comme comme celui de Monniot, s’entremêlent, la joute pacifique (« mir » veut dire « paix » en russe) se mue en un discours poétique très riche. Après avoir beaucoup travaillé pour les vents dans son Vivaldi Universel (Saison 5), Monniot, qui signe seul la plupart des titres, confirme la finesse et la solidité de son écriture. Atsushi Sakaï, vieux complice qui était déjà de l’aventure Princesse fragile, rejoint le trio sur quelques titres, et l’imbrication de son violoncelle avec le violon alto de Roy donne beaucoup de relief à cette musique chaleureuse.

Ainsi, l’intense « Black Train », certainement un des meilleurs morceaux de l’album, révèle une machinerie très précise. Le baryton de Monniot, bien soutenu par l’accordéon bâtisseur, dénoue l’écheveau de cordes en laissant au violoncelle l’espace nécessaire pour développer avec lui une rythmique impavide, écrin parfait au dialogue ; Roy, brillant de bout en bout, s’instille dans chaque interstice ou entame un dialogue avec l’accordéoniste. Lorsque ce trio se mue en quartet, c’est l’accordéon et sa large palette qui est au centre d’un triangle renouvelé. Dans le très aylerien « Amazing Grace » qui met cette Station Mir en orbite, les contrepoints d’Ithursarry créent la densité et ouvrent un dialogue sans exclusive, quand il n’intime pas directement la couleur de l’ensemble.

MIR n’est pas seulement l’acronyme des trois comparses. Arrimé au Triton->www.letriton.com] où a eu lieu l’enregistrement et dont le label publie ce passionnant album, le nouveau vaisseau-amiral de Christophe Monniot propose un voyage plein de surprises au cœur de sa musique ; une course fulgurante et nullement… stationnaire, qui en fait tout le charme.