Chronique

Nick Dunston

Atlantic Extraction

Nick Dunston (b), Louna Dekker-Vargas (fl), Ledah Finck (vln, vla), Tal Yahalom (g), Stephen Boegehold (dms)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Dès les premières notes d’Atlantic Extraction, album qui nous permet de découvrir le contrebassiste Nick Dunston, on sait qu’on est dans une musique rigoureuse, voire pointue, qui cherche autre chose que la belle enluminure. Avec ce proche collaborateur de Tyshawn Sorey ou de Marc Ribot, on aborde également une vraie recherche d’écriture. Même chahutés par la guitare de Tal Yahalom, une autre force en présence à suivre sur la scène de New-York, les échanges entre la contrebasse et le violon alto de Ledah Finck sont d’une rare finesse. Ainsi « Tattle Snake », pic de tension, penche sans cesse entre la puissance grippée d’un moteur électrique qui se nourrit des percussions de Stephen Boegehold et une approche presque chambriste des cordes ; une chambre aux murs fissurés qui laisseraient passer le jour.

L’écriture de Dunston peut se révéler pleine de surprises. L’imprégnation de la musique écrite occidentale est singulièrement présente dans « String Solo 1 », où Berg se sentirait chez lui, mais ce n’est pas une fin en soi, ni même un but. Dans l’étonnant « S.S. Nemesis », la guitare se saisit d’un motif répétitif glaçant que vient éroder la flûte intenable de Louna Dekker-Vargas, jeune musicienne prometteuse. La guitare mute alors son ostinato en un vieil hymne marin du genre qui servirait de rengaine à un vaisseau fantôme, sans pour autant s’interdire quelques clins d’œil pop. Plus loin, dans « Zoochosis », la flûte avance à pas feutrés et l’alto, comme une bête sauvage et craintive, montre les griffes à mesure que la batterie l’assaille.

Dans ce bestiaire, Dunston est bien placide. Il laisse ses compagnons de quintet s’égailler dans ses partitions expressives et suffisamment larges pour permettre de grandes libertés. On goûte néanmoins sa technique impeccable sur le « String Solo 3 », mais aussi sur l’excellent « Delirious Delicacies », où l’orchestre semble tirer dans tous les sens avec beaucoup de plasticité et un sens rare de la progression. Atlantic Extraction est surtout l’album d’un orfèvre du détail, qui organise et ajoure un propos d’une rare intelligence. A suivre, et sans doute pour longtemps

par Franpi Barriaux // Publié le 3 mai 2020
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