Scènes

Nico Morelli

Jazz & Pizzica ou l’âme des Pouilles


Nancy – MJC Pichon, vendredi 1er février 2008

Belle surprise, très belle surprise même que celle réservée par Nico Morelli, cet élégant pianiste italien dont les compagnons de scène forment un ensemble à double détente, ou plutôt reconstituent un organisme étonnamment vivant. Il y a d’abord le poumon, constitué par un trio de jazz de facture traditionnelle (Bruno Ziarelli à la batterie et Stéphane Kerecki à la contrebasse) qui a d’emblée insufflé au début de ce concert de bien beaux accents « monkiens », puis le cœur, celui que font battre Mathias Duplessy (voix, guitare, flûte, berimbao) et Tonio Cavallo (voix, tambourin, mandoline, organetto) pour créer une détonante fusion entre jazz et pizzica (attention, mesdames et messieurs, veuillez prononcer [‘pitsica] sans oublier l’accent tonique sur la première syllabe).

Qu’est-ce donc que la pizzica ? Pour faire simple et court, rappelons qu’il s’agit d’une musique ancestrale et traditionnelle du sud de l’Italie, plus exactement de la région des Pouilles, et qu’elle appartient à son patrimoine historique. Musique populaire par essence, rythmée au son du tambourin qui en est l’instrument fétiche avec la voix, elle peut entraîner ceux qui la jouent vers une véritable transe, surtout lorsque, exécutée des heures durant, elle exorcise les peurs et les superstitions et prétend guérir les plaies de la morsure de la tarentule, cette araignée mythique qui plongeait sa victime dans un profond état de léthargie avant la mort. Tarentule, tarentelle… Deux mots appartenant à la même famille et l’on aura compris, sans l’avoir jamais écoutée, à quoi peut bien ressembler cette drôle de musique.

Alors réunir jazz et pizzica, c’est assembler deux univers a priori fort différents mais qui, pourtant, se rejoignent en ce sens que tous deux, finalement, sont nés d’une certaine forme de souffrance ouvrière et puisent leur inspiration à la même source, celle des « gens de peu » et sont, intrinsèquement, de fibre populaire.

Inutile de dire que l’énergie était bien au rendez-vous : la rythmique, sans faille, a su assurer un tempo inflexible et débordant d’énergie pour mieux porter les « extravagances » des artificiers que sont Duplessy (voix extraordinaire, jusqu’à des instants évoquant le « xoomei », chant diphonique de gorge originaire de Mongolie) et Cavallo, la plupart du temps armé de son tambourin traditionnel - il est à lui seul l’âme de cette pizzica, et nous donne envie de prendre la route pour en en rallier le berceau au plus vite !

Les cinq musiciens ont, pour l’essentiel, interprété le répertoire d’Un[Folk]ettable - appréciez le jeu de mots – un disque tonique qu’il s’agit bien évidemment de découvrir dans les meilleurs délais.