Chronique

Volunteered Slaves

The Day After

Olivier Temime (ts), Emmanuel Duprey (Rhodes, p, synth), Hervé Samb (g), Arnold Moueza (perc), Akim Bournane (elb) et Julien Charlet (dms).

Label / Distribution : Plus Loin Music / Abeille Musique

Et de trois ! Après Streetwise en 2005 et Breakfast in Babylon en 2009, voici The Day After, soit l’occasion pour Olivier Temime et ses Volunteered Slaves de fêter les dix ans d’une formation dont le nom est un hommage explicite à Roland Kirk, et plus particulièrement à son Volunteered Slavery, enregistré au Festival de Newport en 1968. La signification de ce jour d’après, quant à elle, est à chercher du côté d’un concert éponyme programmé le 21 décembre 2012, juste avant la fin du monde annoncée par quelques hurluberlus sous influence, nichés à Bugarach ou ailleurs. Une fête baptisée VSOP pour Volunteered Slaves Organic Party, voilà qui ne s’invente pas. Et puis… il semble que l’apocalypse n’ait pas été fidèle au rendez-vous, ce qui - on s’en réjouira - a permis au saxophoniste et à ses complices de poursuivre leur aventure haute en couleurs. Une bonne nouvelle, donc ! Sans parler de la possibilité pour nous autres rescapés de nous régaler de leur musique, nourrie à la source du jazz, du funk, de la world music, de l’afrobeat et de bien d’autres substances à forte teneur en pulsation.

La bande à Temime est ici très proche de sa précédente mouture : Jérôme Barde et son bardophone sont partis, c’est aujourd’hui le guitariste Hervé Samb qui fait son entrée en piste. Il y trouve tout naturellement sa place, au point qu’on n’imagine personne d’autre pour faire vibrer les cordes sensibles de ces esclaves volontaires [1]. Pour le reste, le cocktail se situe dans le droit fil - un fil très tendu - de Streetwise et Breakfast In Babylon. Les Volunteered Slaves forment une sacrée machine, un bolide à la cylindrée puissante qui célèbre groove et funk avec toute la force d’une évidence qui rappelle ce que disait Herbie Hancock : « Mieux vaut faire du funk avec des musiciens de jazz que l’inverse ». Ici l’énergie déborde de chaque mesure, aussi bien à travers les compositions originales que les reprises dont le groupe s’est fait une spécialité. Cette fois, ces covers endiablées ont pour nom : « Rock It » d’Herbie Hancock, en guise d’apéritif tonique, « Don’t Stop Till You Get Enough » de Michael Jackson ou « People Make The World Go ‘Round » des Stylistics. Au programme, une musique tout en muscle et en souplesse - on aurait presque envie de la qualifier de sportive - à laquelle il est quasi impossible de résister. Sa puissance s’appuie sur la cohésion d’un sextet qui connaît rarement le repos (« The Day After », tout de même, plus recueilli), mais aussi sur le magnétisme surchauffé du jeu de Temime, dont on ne dira jamais assez à quel point il est physiquement engagé dans son art (écoutez par exemple sa magnifique intervention sur « Tahrir Square »). En 2010, son album solo Intruder était parcouru d’un frisson de la même intensité, histoire de nous rappeler que le jazz est aussi une fête, une musique sur laquelle on danse et qui provoque la transpiration. Temime est un peu le conducteur de la locomotive, c’est lui qui charge la chaudière à ras-bord et embarque derrière lui une équipe heureuse de monter dans un tel (en)train ! Emmanuel Duprey, Akim Bournane, Julien Charlet et Arnold Moueza ne rechignent pas à entrer dans la danse et faire trembler les murs.

Publié à l’automne dernier, The Day After est de ces disques qu’on conserve à portée de main, parce qu’on ne sait jamais… Un coup de mou ? Le moral en berne ? Ces Volunteered Slaves épris de liberté et décomplexés sont la solution idéale : avec eux, comme par enchantement, tout semble aller mieux en quelques secondes et la musique respire, vibre et chante. Que demander de plus ?

par Denis Desassis // Publié le 6 janvier 2014

[1On recommandera vivement l’écoute du dernier disque d’Hervé Samb ; paru chez Such Productions en septembre, Time To Feel, nimbé de ses sonorités électriques, est un bel album ancré à la fois dans le jazz et le blues sur lequel on peut croiser, entre autres personnalités, un certain… Olivier Temime au saxophone.