Chronique

Nils Wogram

Muse

Nils Wogram (tb), Gareth Lubbe (vla, voc), Kathrin Pechlof (hp), Hayden Chisholm (as)

Label / Distribution : Nwog Records

On sait depuis Roots 70 - c’était il y a presque dix ans - que le tromboniste Nils Wogram est un compositeur qui a beaucoup de connexions avec la musique écrite occidentale, et notamment le travail sur les timbres. Le son de son trombone en est d’ailleurs un parfait exemple : privilégiant le son pur plutôt que les techniques étendues, il joue beaucoup sur les couleurs. Dans ce nouvel album qui porte le nom de sa toute récente formation, Muse, il en démontre le caractère central dans le très doux « All The Things that Could Go Wrong » où il converse avec le saxophone alto d’Hayden Chisholm et le violon alto de Gareth Lubbe, tous les deux déjà présents dans l’expérience Roots 70. Un noyau qui joue avec les proximités de la voix humaine, comme on l’entend encore dans les « Miniatures », une pièce en plusieurs mouvements souvent menés par le trombone et le violon, où affleure une certaine nostalgie.

Il y a de l’amour dans Muse, et tout laisse à penser qu’il est déçu. Ou plutôt ressassé, refaisant surface dans les moments de solitude. « Chillin’ With J » à ce titre est très emblématique. Ici, Chisholm et Lubbe construisent une structure dans laquelle le trombone s’intègre avec une facilité déconcertante. Il règne une forme de quiétude fragile, toujours interrogée par la raucité du violon et le caractère répétitif de la harpe de Kathrin Pechlof. Nouvelle venue dans l’univers de Wogram, la harpiste apporte une teinte très chambriste à ce quartet sans batterie. Dans le très onirique « Michel’s Secret », alors que soufflants et archet jouent de manière très compacte sans qu’on puisse les isoler réellement, c’est la harpe qui offre l’espace nécessaire à la rêverie et à la langueur.

Habitué de Bojan Z ou de Michel Portal, Nils Wogram n’a pas attendu Muse pour montrer qu’il était un précieux technicien. Son jeu de coulisse, soyeux et doux, s’intègre parfaitement à ce nouveau répertoire qui rappelle son travail en quatuor de trombones avec le Vertigo Quartett. Il y a toujours eu dans la musique de Wogram une réflexion sur la musique classique ; cette nouvelle Muse creuse encore davantage ce sillon.