Chronique

Roberto Ottaviano

Lacy in The Sky With Diamonds

Roberto Ottaviano (ss), Danilo Gallo (b,g, bjo), Ferdinando Faraó (d)

Label / Distribution : Clean Feed

Dix ans après la mort de Steve Lacy, le grand saxophoniste italien Roberto Ottaviano avait fait paraître chez Dodicilune l’un de ses disques les plus marquants, Forgotten Matches, qui réunissait, outre Glenn Ferris, les brillants représentants d’une génération italienne, de Cristiano Calcagnile à Giovanni Maier. Vingt ans après sa mort, Ottaviano récidive avec le présent album, dans une version plus resserrée mais avec toujours autant de dévotion : deux décennies que le génial saxophoniste nous a quittés, et il irrigue sans cesse la musique créative la plus sophistiquée. Il faut dire que la rencontre entre Ottaviano et Lacy, en 1977, aura été une épiphanie pour l’Italien ; dans une interview qu’il nous avait accordée, ce dernier déclarait : « J’ai tellement absorbé sa pratique et sa philosophie que c’était comme une longue session universitaire. ».

Avec le contrebassiste (et guitariste-banjoïste) Danilo Gallo, entendu avec Tom Rainey et Angelica Sanchez et le batteur Ferdinando Faraó, Ottaviano crie son amour éternel pour Steve Lacy. C’est vrai avec des reprises, comme ce « Bound » chaleureux où le son très pur du sax soprano s’appuie sur le véritable dialogue de fond de la base rythmique ; Faraó est très volubile aux côtés d’un contrebassiste précis et puissant. On retrouve, ici comme dans le bouillant « Esteem », ce goût pour l’élégance urgente qui caractérise la musique de Lacy. C’est dans cette veine que le trio propose des improvisations marquées par l’esthétique lacyenne, comme « Diamond Flock Accident » où Gallo joue du banjo, comme emporté par une vague irrépressible et joyeuse.

C’est ce qui est sans doute le point de divergence entre Forgotten Matches et le présent Lacy in The Sky With Diamonds. Dans le disque qui nous concerne, paru chez Clean Feed, Ottaviano et ses camarades dissertent sur l’empreinte de Steve Lacy dans leur propre grammaire, ce qui donne de magnifiques prises de parole comme ce « No One Flew Over The Cuckoo’s Nest » où Gallo est particulièrement remarqué, tant à la contrebasse qu’au banjo, quand Faraó est plus percussionniste que jamais. Lacy in The Sky With Diamonds, au-delà du jeu de mots un peu vexant pour tout chroniqueur avide de calembours constatant un devancier, est un disque d’une forte émotion et d’une passion assouvie. Cette année, Steve Lacy aurait eu 90 ans ; sa musique est d’une jeunesse éternelle.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 octobre 2024
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