Chronique

Nancy J. Meier

Nancelot

Nancy J. Meier (fl, comp), Camille Quinton (fl), Eline Gros (fl), Anett Kallai (fl), Tilo Weber (dm).

Label / Distribution : Unit Records

Si le nom de Nancy Meier n’a pas encore franchi les montagnes du Jura, ce n’est que question de temps. Si l’on peut faire confiance à la Suisse pour nous proposer des talents de manière régulière et à profusion, c’est grâce à des musiciennes comme cette jeune flûtiste que d’autres musiciens européens ont déjà saluée, notamment le tromboniste et chef d’orchestre autrichien Wolfgang Muthspiel. La flûtiste est recherchée pour les orchestres en grand format ; Nancelot, le premier album de la bernoise installée à Berlin est de ceux qui ne laissent pas indifférent, tant par le propos, épique et pétillant, que par une formation surprenante : un quartet de flûtes, comme le joyeux labyrinthe d’un palais des glaces, ponctué par les interventions colorées et pleines de mouvement du batteur Tilo Weber, qui se sent ici comme chez lui.

« Cindy & Phülüp » est une belle entrée en matière, où les flûtes se répondent et baguenaudent, se plaisent au contrepoint et se lancent dans des courses sinueuses ou des pas-de-deux éphémères ; en un mot batifolent jusqu’à ce que Weber propose un cadre où des tutti s’engagent, transformant la fuite en une mécanique répétitive précise au mouvement très fluide. Il ne s’agirait pas de perdre l’occasion de danser et d’accélérer imperceptiblement le rythme sous la férule rieuse du percussionniste. Accompagnée de jeunes flûtistes à découvrir, de Camille Quinton à Eline Gros en passant par Anett Kallai, l’orchestre de Meier ne cherche pas à amalgamer des tessitures et des timbres, mais à provoquer la multitude, à solliciter l’écho pour gagner en vivacité (« Aïko » est un vif-argent insaisissable) et conserver une part de mystère.

Car Nancelot est là pour nous raconter des histoires, et l’écriture de Nancy J. Meier est propice au merveilleux, notamment lorsque les flûtes parviennent à évoquer la voix dans de subtiles techniques étendues ou dans le travail collectif sur le son. On perçoit dans « The Living And Dying Of Gudrun » une façon d’aborder la musique comme un récit, une approche très poétique qui s’offre le temps long et un luxe de détails et allie un sens très précis de la rythmique à une influence constante de la musique écrite occidentale. La pochette de l’album, dessinée par la contrebassiste Stefanie Kunckler, qui a décidément tous les talents, est à l’image de cette belle incitation au rêve : vive, douce, et pleine de promesse.

par Franpi Barriaux // Publié le 3 novembre 2024
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