Scènes

Now’s the time is not the time…

Concerts des 3 et 4 août 2001 à Marciac


Il est difficile de dire qu’à JIM, « Jazz In Marciac », on ne sait pas recevoir les musiciens avec talent.

Il est difficile de dire qu’à JIM - « Jazz In Marciac » -, on ne sait pas recevoir les musiciens avec talent. Le 3 août, JIM et son public se plient aux exigences du pianiste Keith Jarrett venu avec ses acolytes, le contrebassiste Gary Peacock et le batteur Jack DeJohnette. Un niveau sonore peu élevé rend le concert inaudible du fond du chapiteau. Sur la scène, les musiciens sont éclairés par une lumière tamisée. A la demande de la star, les écrans, apportant un soutien visuel important pour les spectateurs, sont éteints. Pour des places au prix de 180 francs ou 280 francs, vous ne voyez rien, n’entendez rien, vous n’avez pas le droit de parler, de bouger, de prendre bien évidemment des photos, ni de boire une boisson alcoolisée. Pendant l’entracte, les stands vendent uniquement des bouteilles d’eau. Ce soir là, Jean-Louis Guillaumon, le directeur du festival, attentif à surveiller que tous les caprices de la star sont bien respectés, retrouve son rôle de principal de collège. [ndlr : oui, mais la musique ?]

La tension imposée est telle qu’au début de chaque morceau, le public lui-même réclame le silence par des « chuts » intempestifs. Est-il encore réellement possible d’apprécier la musique de Keith Jarrett ? Chacun retient son souffle, les musiciens comme le public. « Now’s the time » de Charlie Parker interprété sur un tempo lent ou quelques dérives vers le free jazz ne nous surprennent pas. On voudrait de la vie, partager un bonheur musical, on ne trouve qu’un Keith Jarrett transformé en despote.

Le public se console le lendemain par une soirée habilement programmée dont l’atmosphère est plus détendue. La première partie présente le trio du pianiste Uri Caine comprenant le contrebassiste Drew Gress et le batteur Ben Perowsky. Décontracté et heureux, Uri Caine débute la soirée par un blues en hommage à la petite ville gersoise, « Marciac Blues », enchaînant avec le thème monkien, « ’Round Midnight ». Puis, les compositions du pianiste s’imbriquent les unes dans les autres, les idées jaillissent, s’enchâssent. Les tempi fusent, chaque musicien pouvant jouer avec sa propre pulsation. De ce bouillonnement mélodique et rythmique se dégage une impression d’unité faisant croire que les musiciens se connaissent depuis une éternité, alors qu’ils ont joué pour la première fois ensemble à Paris, au Duc des Lombards, en décembre 2000. Ce magnifique trio dont un disque est à venir prochainement, devrait se reproduire dans le club parisien à la mi-décembre.

Le bonheur continue avec la formation du chanteur Bobby McFerrin réunissant Gil Goldstein au Fender Rhodes et à l’accordéon, Richard Bona à la basse et Omar Hakim à la batterie. McFerrin séduit le public par la beauté de ses arabesques musicales, la perfection de sa justesse ainsi que les incroyables distorsions vocales n’utilisant aucun moyen électronique pour moduler sa voix. Pieds nus, il se promène sur scène allant dialoguer avec chaque musicien, échangeant des regards de fascination et de respect. Emu, le public se délecte, écoute en silence ne répondant à aucune exigence des artistes. La voix de Richard Bona entonne sa douce mélodie aux couleurs africaines, « Bonafide ». Le public est captivé, le partage émotionnel se fait. Les musiciens et les auditeurs ne font plus qu’un. Durant une de ses compositions, « G minor Groove », Bobby Mc Ferrin, accompagné par l’accordéoniste, descend dans la salle. Un étonnant dialogue vocal s’installe entre le chanteur, trois personnes du public et deux enfants. Cette soirée nous laisse dans un état de béatitude, oubliant la précédente. Tout disque ou concert de cette formation est fortement conseillé pour l’épanouissement de l’esprit et de l’humanité !