Entretien

Omar Sosa, missionnaire en musique

Entretien avec Omar Sosa à l’occasion de la sortie de l’album An East African Journey.

Omar Sosa © Christophe Charpenel

Musicien globe-trotter qui arpente le monde et fait rencontrer les musiques, Omar Sosa vient de publier « An East African Journey », un album dans lequel, à l’image de la quasi-totalité de sa discographie, il fait se rencontrer les cultures et les hommes.

Omar Sosa par Jeanne Davy

- Vous venez de publier An East African Journey, un album que vous avez enregistré en Afrique de l’Est et dans lequel vous jouez avec des musiciens africains. Comment avez-vous enregistré ?

Sans aucun doute, l’enregistrement de ce disque An East African Journey a été l’une des expériences les plus belles et les plus intéressantes de toute ma carrière musicale. J’ai eu la possibilité d’enregistrer avec des musiciens de huit pays d’Afrique de l’Est dans leurs pays respectifs, de partager avec eux leur culture, leur nourriture et leurs coutumes. Ressentir l’énergie de chacun de ces lieux rend ce projet très spécial pour moi. C’est quelque chose dont je me souviendrai avec un plaisir particulier. C’était et c’est un merveilleux voyage que j’espère avoir pu capturer sur cet album.

- Vous aviez déjà regardé du côté de l’Afrique. Je pense notamment au projet Afreecanos ou encore ou morceau « Mother Africa » sur Prietos. Quelle est la spécificité de An East African Journey ?

Depuis le début de ma carrière discographique, l’Afrique a toujours été la colonne vertébrale de mon processus créatif. Ce nouveau projet n’est pas si différent des précédents, seulement comme je l’ai dit, le fait d’avoir pu enregistrer ces musiciens sur leurs terres d’origine est vecteur d’une énergie plus authentique et organique. J’ai avant tout respecté ce qui a été exposé par chacun des musiciens africains. La spécificité de ce projet a également été la direction envisagée. Je voulais enregistrer des musiciens qui, en plus de jouer des instruments à cordes, utilisaient leurs voix.

l’Afrique est la mère de toute musique

- Peut-on dire qu’il y a une démarche similaire avec un certain nombre de musiciens étasuniens qui allaient chercher des racines musicales du côté de l’Afrique ?

Je suis de ceux qui pensent que l’Afrique est la mère de toute musique. L’approche musicale est quelque chose d’assez personnel, elle dépend des connaissances et de la vision de la personne qui cherche. L’Afrique a laissé une empreinte certaine sur la musique qui vient des Etats-Unis.

- Votre discographie donne le sentiment que le mélange des univers culturels est programmatique dans votre démarche. En tout cas il me semble que, à part Calma, tous vos autres disques sont réalisés comme des ponts entre différentes cultures. De plus on perçoit des problématiques liées à la Terre, à l’écologie. Je pense par exemple à Transparent Water ou encore Tales from the Earth. Êtes-vous un militant ?

Je me considère autant missionnaire qu’activiste : je sens et je suis convaincu qu’en tant qu’artiste et créateur j’ai une mission. Personnellement, je me suis consacré à étudier, à chercher et à apprendre le plus possible sur la musique du continent africain, car je pense qu’elle est à la base de tout ce que j’ai eu l’occasion d’écouter au cours de ma vie. Et plus je connais et je découvre l’Afrique et sa musique, plus je me sens plus proche de mon monde ancestral. Cette connaissance fait sans aucun doute de moi un meilleur musicien et une meilleure personne, car elle enrichit considérablement mon horizon musical et créatif.

Omar Sosa par Pierre Vignacq

- On a souvent évoqué votre pratique de la santería. Entre cette pratique religieuse et la musique, on a l’impression que votre démarche est très marquée par le mysticisme. La musique est-elle une pratique spirituelle, une manière de défendre des opinions, de faire de la politique ? Ou est-ce tout ça en même temps ?

La musique est le moyen le plus simple et le plus efficace que j’ai trouvé pour me connecter avec mon monde ancestral et spirituel. Plus je suis proche de l’Afrique et de ses cultures, plus ma vision et ma philosophie autour de mon processus créatif sont profondes. Et oui, la musique dans mon cas est une manière de défendre mes opinions, de dire ce que je ressens, de présenter le monde tel que je voudrais qu’il soit, un lieu de coexistence, de respect et d’unité, où l’on peut tous vivre ensemble quelles que soient nos différences. Parce que les coïncidences, comme je l’ai montré dans chacun de mes projets, sont plus grandes que ce que la politique a toujours prétendu, en cherchant à nous diviser par nos différences. A travers la musique, je pourrais dire que je me considère comme un activiste qui cherche la Paix, la Lumière, l’Amour, le Respect mutuel, l’Unité et la Coexistence, toujours à la recherche du Consensus entre nous tous.

J’ai quitté Cuba parce que j’avais besoin de rencontrer des musiques d’autres parties du monde

- Quand on mélange autant les musiques et les cultures, j’imagine volontiers que ça suppose d’écouter beaucoup de choses différentes. Comment cela se passe-t-il ?

J’ai toujours senti que la diversité se développe dans tous les aspects de la vie, et la musique est l’un d’entre eux. C’est pourquoi la recherche constante, l’apprentissage et l’expérience d’autres cultures et traditions sont si importants pour moi, non seulement d’Afrique mais aussi n’importe quelle autre contrée de cette planète appelée Terre.

- Vous avez appris la musique à Cuba et, quand on écoute vos disques, Cuba, la latinité semblent essentiels. Pourquoi avez-vous quitté Cuba pour l’Espagne ?

J’ai quitté Cuba précisément parce que j’avais besoin de rencontrer des musiques d’autres parties du monde, de connaître d’autres cultures et traditions. Je suis tombé en Espagne par accident, ce n’est pas une destination sur laquelle j’avais médité. Mais grâce à mon arrivée ici, j’ai pu avoir un contact de plus en plus profond avec le Maroc et ses merveilleuses traditions musicales, et la forte empreinte qu’ils ont laissée sur la musique espagnole.