Chronique

Olivier Bogé

Imaginary Traveler

Olivier Bogé (as), Pierre Perchaud (g), Tony Paeleman (p, Rhodes), Nicolas Moreaux (b), Karl Jannuska (dms).

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Attachante rencontre que celle de ce voyageur imaginaire dont le saxophoniste Olivier Bogé vient nous narrer les aventures ! Tout en élégance discrète, Imaginary Traveler est plus un disque de groupe qu’une œuvre de musicien. En effet, le saxophoniste Bogé ne cherche pas à tout prix à se mettre en avant de façon narcissique, tous chorus dehors ; il préfère jouer la carte d’un collectif assumé et laisser quand il le faut ses compagnons s’exprimer. Ici, il est question de musique, et de liberté d’inventer à plusieurs à partir des propositions du narrateur.

D’abord pianiste de formation classique, Olivier Bogé s’est tourné par passion vers le saxophone, sans oublier pour autant son premier instrument, qu’il n’a jamais totalement délaissé. Il s’est illustré auprès d’aînés de renom (Flavio Boltro, Stéphane Belmondo, Rick Margitza, Elisabeth Kontomanou ou Tony Rabeson), développant un jeu qui s’épanouira également aux côtés de Tigran Hamasyan ou dans des formations telles que le quintet du contrebassiste Nicolas Moreaux (qu’on retrouve sur ce disque) ou ceux d’Olivier Robin et Sébastien Jarousse. Bogé est un jeune musicien dont la voix s’affirme jour après jour avec une sérénité qui illumine ce premier album en leader. Il y a déjà chez lui, avec la trentaine naissante, toute l’épaisseur de la maturité.

Le charme d’Imaginary Traveler (Fresh Sound New Talent), doit beaucoup à une recherche très aboutie sur les couleurs, développée avec un sens subtil de l’équilibre par les cinq musiciens. Insistons sur ce point, c’est un disque de groupe, une histoire collective. Loin d’être un coup de poing, il est plutôt à recevoir comme une main tendue, une invitation à la rêverie, voire à la méditation. Il faut dire que le saxophone alto d’Olivier Bogé, tout en émotion et en retenue – constamment entre fragilité virtuose et force tranquille – distille un plaisir mélodique et communicatif nourri d’une vraie humilité, qui traverse le disque du début à la fin. Et si son discours reste d’une apaisante limpidité, jamais il ne tombe dans le piège de la douceur mièvre ; c’est même tout le contraire, car il sait habiter sa musique.

« Ce disque a été conçu comme un recueil de nouvelles, un album d’images qui sont autant d’étapes d’un voyage imaginaire », explique Olivier Bogé. Mais pour cela il n’a rien laissé au hasard ; il s’est notamment entouré de compagnons de route à la musicalité remarquable dont les influences sont celles de la jeune génération : s’il est bien question ici de jazz, l’approche mélodique et rythmique d’Imaginary Traveler n’est pas si éloignée d’une pop élégante et chantante, quand elle ne se nourrit pas d’influences classiques aux origines évidentes. Ces musiciens sont aussi – et peut-être avant tout – des complices, des amis, eux-mêmes engagés par ailleurs dans des projets personnels de compositeurs (ici, toutes les pièces sont signées par Olivier Bogé). Leur solidarité presque fusionnelle fournit l’essentiel de la matière première. Autour du saxophoniste, Pierre Perchaud, Tony Paeleman, Nicolas Moreaux et Karl Jannuska jouent constamment en équilibre sur le fil d’une ballade rêveuse et baignée d’une lumière douce ; ils sont les conteurs à part entière d’histoires dont les titres disent la nécessité de trouver un langage commun, celui de la source des rêves et de la méditation impressionniste : « Echoes Of A Million Thoughts », « Child’s Dream », « Signs », « Don’t Be Afraid » ou « Imaginary Traveler ». Tout sauf un bavardage superficiel, donc !

On en ressort pacifié. A la fois exigeant et porteur d’une clarté mélodique, le disque suscite le plaisir et en dit long sur le sens qui le sous-tend. Imaginary Traveler est une proposition de partage et d’élévation qui ne se refuse pas.