Scènes

P. Henry et E. Truffaz


On donnait, mardi soir à la Cité de la Musique, les « Variations pour une porte et un soupir » du compositeur Pierre Henry, en sa présence, avec sur scène le trompettiste Erik Truffaz, dans une version au final remanié pour l’occasion…

Apprécier la musique électroacoustique en concert requiert, semble-t-il, une conformation d’esprit bien précise : il faut savoir renoncer à toute forme de plaisir physiologique d’écoute, être prêt à se recueillir dans une communion ascétique et, d’un air pénétré, se prendre la tête entre les mains en fermant les yeux. Alors, et alors seulement est-on mesure de percevoir, par l’intermédiaire des deux fois quinze enceintes, sans compter la sonorisation habituelle de la salle et la quadriphonie, la richesse et la subtilité des combinaisons de souffles et de grincements de porte arrangés par le compositeur, combinaisons censées inviter, à en croire les adeptes de cette étrange secte, à une réflexion sur la mort. Dont acte.

Les choses se compliquent lorsque l’on tente d’incorporer dans cet univers quadrillé un musicien en chair et en notes, un musicien qui, malgré un son convoquant immanquablement sur scène l’ombre d’une légende, possède un véritable souffle de vie. Dès lors, malmené par cette horlogerie diabolique, tentant de s’en sortir en travestissant sa vitalité par une débauche d’effets - multitap delay, wah-wah, harmonizer et looper - qui ne font que précipiter sa fin, le musicien abdique toute volonté de recréation, de guerre lasse, faute d’interlocuteur.

Ainsi ressort-il d’une telle combinaison, d’une tentative de cet ordre, un sentiment infini de déception : celle de n’avoir perçu nulle part dans cet océan de sons, de bruits, d’effets divers et de phonies multiples la moindre goutte de sueur, la moindre pincée d’humour, la moindre touche d’amour. Celle de n’avoir rencontré nulle part la moindre âme qui vive…