Chronique

Paul Van Gysengem Quintet

Square Talks

Cel Overberghe (ts, ss), Patrick De Groote (tp, flh), Erik Vermeulen (p), Paul Van Gysegem (b), Marek Patrman (perc, tp)

Label / Distribution : El Negocito Records

Musicien rare, du moins en disque, le contrebassiste Paul Van Gysengem est fidèle au label El Negocito Records, et dans les quelques disques auxquels il a participé, on se souvient de Boundless, sorti en 2017 avec notamment le trompettiste Patrick de Groote que l’on retrouve ici. Mais l’histoire de Gysengem n’est pas récente : pour ce vétéran de la scène improvisée belge, elle commence chez Futura en 1971 avec Aorta en sextet. Sacré orchestre, avec quelques légendes néerlandophones, comme Jasper Van’t Hof ou Pierre Courbois, et déjà De Groote qui fait merveille sur les premières notes de « Shouts », pendant que l’archet de la contrebasse se fait baladeur et que le piano d’Erik Vermeulen trace quelques lignes vite brisées par les percussions de Marek Patrman. La ligne, l’espace, ce sont des univers familiers pour Paul Van Gysengem, par ailleurs sculpteur renommé ; et l’on peut légitimement considérer la musique du quintet comme une prolongation, une dimension supplémentaire de sa démarche plastique.

Square Talks, enregistré au JazzCase de Pelt en Belgique, est une démonstration d’improvisation collective entre des musiciens qui se connaissent par cœur. Même s’il est à la manœuvre, Van Gysegem ne prend jamais les devants. Lorsqu’il explore les infra-basses sur l’intense « Woodpecker », son propos ne cherche jamais l’épopée soliste, en témoigne sa belle discussion avec le piano de Vermeulen qu’on avait tant apprécié dans The Unplayables. De la même façon, beaucoup de place est laissée aux soufflants : De Groote est incontournable ici, toujours dans une position de relance des débats, tout comme le vieux compagnon de Fred Van Hove, Cel Overberghe, qui est lui aussi un éloge de la rareté. L’échange entre le saxophoniste [1] et le trompettiste sur le très beau « On The Edge » où la batterie de Patrman vient porter le fer, est l’un des points culminants de ce beau concert.

Entre citations avortées qui ancrent le quintet dans les traditions du free jazz et véritable dynamique collective sans idiome défini, Square Talks est un magnifique témoignage de la vigueur de la première avant-garde flamande, celle qui a permis à des musiciens des générations suivantes comme Bart Maris (avec qui Paul Van Gysengem a joué) ou Teun Verbruggen d’avoir les coudées franches et un sentier largement défriché. Ce disque est donc un témoignage précieux. Et rare, comme il se doit.

par Franpi Barriaux // Publié le 3 octobre 2021
P.-S. :

[1Penchez-vous sans tarder sur Fred Van Hove & Cel Overberghe With Strings si vous avez la chance de le trouver…