Chronique

Peter Rosendal & The Orchestra + Trio Mio

Trickster

Label / Distribution : Stunt Records

Peter Rosendal n’est pas si connu en France, à l’inverse du Danemark où il est une figure iconoclaste et en dehors des genres. Pianiste, arrangeur, membre d’une multitude de projets, il fait partie des joyeux inclassables, de ceux qui peuvent tout en même temps diriger un orchestre de jazz aux velléités traditionnelles et mener des projets plus contemporains, comme ce Pica-Pau sorti en 2010, déjà sur le label Stunt Records. On pourrait lui reprocher un goût un peu trop prononcé pour la joliesse, mais ce serait passer outre une belle partie de sa carrière, à explorer les musiques traditionnelles scandinaves, davantage comme un dynamiteur que comme un sage collecteur. En témoigne depuis des années sa participation au Trio Mio, une formation purement folk avec le guitariste Jens Ulvsand et la violoniste Christine Heeboll.

Alors pourquoi ne pas tout mélanger, dans une joyeuse étreinte ? C’est le propos de Trickster, où le trio rencontre The Orchestra, une formation de seize pupitres dirigée par Nikolai Bøgelund. L’orchestre danois est fameux, on y retrouve notamment le clarinettiste Peter Fuglsang, un habitué des aventures de Rosendal comme l’est Frederick Menzies à la clarinette basse. Sur un morceau profond comme « Geddefiskeren », nous sommes vraiment à la croisée des chemins, entre chanson populaire qui semble venir du fond des âges [1] et arrangement luxueux où la légèreté du violon de Heeboll se fraie un passage entre la flûte de Kasper Wagner et l’armée de trombones et de trompettes chargée de sonder la densité alentour.

Dans une pile, il y a toujours un disque sur lequel on revient. Le cycle est assez familier : curiosité, étonnement, enthousiasme. Cela marche à merveille avec ce Trickster qui est un objet un peu étrange où le folk s’affranchit de ses racines (seuls deux morceaux sont issus du patrimoine) et fomente quelque propos imaginaire en se gardant pourtant de trop s’éloigner. Les membres de The Orchestra comme ceux de Trio Mio veillent à la bonne alchimie, au gramme près, à l’instar de « Sovearet » où les allers-retours entre le trio et le Big Band sont un formidable créateur de mouvement léger et dansant, comme une fête de fin d’été. Rafraîchissant.

par Franpi Barriaux // Publié le 22 novembre 2020
P.-S. :

Trio Mio : Peter Rosendal (p, cla), Jens Ulvsand (g, bouz), Kristine Heebøl (vln)
The Orchestra : Erik Eilertsen, Jens Gotholdt, Maj Berit Guassora, Hendrik Jørgensen (tp), Steen Hansen, Mia Engsager, Gustav Rasmussen, Niels Gerhadt, Kim Aagaard (tb), Lars Moller (ts), Thor Madsen (g), Kasper Wagner (fl), Anders Gaardman (bs, bcl), Peter Fulgsang (cl), Frederick Menzies (cl, bcl), Kaspar Vadsholt (b), Jonas Johansen (dms)

[1Ce n’est pourtant pas un traditionnel…