Chronique

Illegal Crowns

Unclosing

Taylor Ho Bynum (cnt, flh), Mary Halvorson (g), Benoît Delbecq (p), Tomas Fujiwara (dms)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

On pensait que la précédente rencontre de ce quartet hors du commun, réunissant Benoît Delbecq et les trois Grâces de la scène étasunienne proche de Braxton pour un Illegal Crowns en 2017, resterait sans lendemain.

C’est donc avec une pointe d’excitation que l’on ouvre Unclosing, second album d’un orchestre ouvert et joueur. Il faut garder espoir en la magie : s’il est d’évidence que la guitare tortueuse de Mary Halvorson et le jeu de plus en plus clair et liant de Taylor Ho Bynum sont faits pour communiquer ensemble jusqu’à la fin des temps, on le réentend avec ravissement dans « G Ocean » quand les cordes englobent le souffle dans un mécanisme perclus d’effets, bien accompagné par un piano lesté d’objets, familier s’il en est. La relation de Delbecq avec Halvorson est elle aussi réjouissante, à la fois neuve et intime, marquée du sceau de la curiosité et de la création.

Tout commence avec « Crooked Frame » qui donne les clés sans hésiter : le piano pérégrine, dans ses brisées marche une guitare au rythme lancinant, aux côtés de l’impeccable Tomas Fujiwara. Très vite, Mary Halvorson prend du champ et s’offre des libertés ; c’est l’occasion pour Ho Bynum de rentrer en scène, davantage en soutien qu’en générateur de chaos. Paradoxalement, c’est cet appui supplémentaire qui va créer un déséquilibre salvateur. Celui qui n’ouvre plus le chemin mais la multiplicité des routes. Avec ce nouvel album, on peut constater de nouveau la lente évolution du jeu de Halvorson, déjà à l’œuvre depuis Code Girl et remarquable chez Myra Melford ou avec Nate Wooley. Si elle garde ce son inimitable, cette signature immédiate, son jeu se fait plus structurant, plus solide… Et s’il paraît de prime abord plus sage, c’est justement grâce à cela qu’elle peut renverser la table à chaque instant, surtout avec des compagnons de cette trempe.

« Triple Fever » est indéniablement le meilleur symbole de l’efficacité d’Illegal Crowns. Mary Halvorson et Taylor Ho Bynum cherchent à s’échapper des engrenages puissants du piano et de la batterie. Même s’il semble discret, Fujiwara est en feu sur cet album, bien aidé par la main gauche de Benoît Delbecq, plus solide que jamais. Il en résulte une impression labyrinthique qui se dénoue d’elle-même et devient limpide à mesure que le piano s’extirpe de son travail rythmique. Encore une fois, six ans après, l’orchestre marque les esprits, tout comme le label Out of Your Head Records, toujours dans les bons coups.

par Franpi Barriaux // Publié le 10 septembre 2023
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