Chronique

Didier Petit - Guillaume Roy

Petit · Roy

Didier Petit (cello), Guillaume Roy (vla) + invités

Label / Distribution : In Situ/Orkhêstra

A l’Est du Soleil se joue une petite musique de nuit. Avant même d’évoquer la beauté de cette union entre le violoncelliste Didier Petit et l’altiste Guillaume Roy, artistes aussi discrets que telluriques aux cordes, il convient d’évoquer « La Lumière qui vient » et cette sensation d’une aube miraculeuse, brute, chamarrée. Il y aurait tant à dire sur le premier volet du diptyque, sur ce duo fait d’amitié, sur ces timbres qui s’unissent, qu’il semble plus efficace de s’en tenir à quelques mots : on se souvient des neuf faces de violoncelle seul de Petit qui avaient éclairé la décennie précédente ; on a également en mémoire From Scratch qui entreprenait le même périple pour Guillaume Roy. Imaginez une synthèse. Un croisement des effluves. C’est le bouillonnement de « Et la Vie » où Petit donne de la voix. C’est le raffinement de « Ombres » et sa nuit de retour, où l’approche contemporaine des archets brille de mille feux, et où le travail que Roy mène avec le Quatuor Ixi n’est jamais vraiment loin.

L’émotion passée, il y aurait davantage à dire sur Programmes Communs, la seconde partie de ce très beau coffret. À peine a-t-on quitté la poésie que voici qu’elle reprend l’espace, accompagnée de nouveaux camarades. Ici, ce sont Petit et Roy qui invitent, et les élus sont des frères d’armes. La rencontre avec Michele Rabbia est évidente, tant l’idiome est le même (« La Position du trépied »). Les percussions jouent avec la raucité de l’alto, l’amalgame se complète davantage qu’il s’oppose, le silence est un allié de poids, tout comme la spontanéité. Ce sont des ingrédients différents qui animent les trios avec Yaping Wang (remarquable « Douceur carmin » qui prend les chemins de traverse des routes de la Soie), Daunik Lazro et Kristof Hiriart. Mais rien ne nous préparait au choc de la rencontre du duo avec deux grandes dames de la scène hexagonale, la clarinettiste Catherine Delaunay (« L’Arbre à palabres ») et la tromboniste Christiane Bopp (« Souffle Commun »).

Les deux soufflantes ont une approche similaire, dans la concorde et la douceur, mais il a chez Delaunay une intranquillité, un constant qui-vive qui renvoie à un état de nature. Quand à Bopp, c’est un soleil irradiant qu’elle incarne, dans des teintes de crépuscule. Il y a entre ces musiciens libres une grande complicité qui nous donne l’envie d’un quartet. On se doutait que derrière ce Petit Roy se cachaient de grands seigneurs : ils nous livrent certainement l’un des plus beaux disques de ce premier semestre.