Chronique

Rodrigo Amado Motion Trio

Desire and Freedom

Rodrigo Amado (ts), Miguel Mira (cello), Gabriel Ferrandini (dms)

Label / Distribution : Not Two Records

La liberté est de tout temps la grande affaire du saxophoniste Rodrigo Amado. Si depuis plusieurs décennies son ténor rageur et bouillant anime la scène européenne, son Motion Trio existe depuis sept ans, et la liberté donne l’impulsion. Liberté au sens de Free, bien sûr, une musique qu’il honore avec constance. Mais aussi dans son acception la plus pure, celle d’une liberté collective qu’il établit avec le violoncelliste Miguel Mira et le batteur Gabriel Ferrandini d’autant plus facilement que Desire and Freedom constitue leur sixième enregistrement en commun. Une liberté ouverte aussi : c’est seulement le second album où les Portugais n’ont pas d’invités : après Jeb Bishop et Peter Evans, retour au trio brut. L’occasion de développer cette relation si caractéristique qui unit violoncelle et percussion et qui les fait s’emparer avec fougue de « Responsibility », donnant pleinement sens au mouvement inscrit dans leur nom.

Pour l’orchestre, le recentrement n’est pas un enfermement. Au contraire, c’est l’occasion de régénérer la puissance et l’énergie du propos pour partir derechef à la rencontre de nouveaux improvisateurs. « Freedom is a Two-Edged Sword » est à ce titre le morceau emblématique d’un retour aux sources. Les pizzicati de Mira sont secs, sans recherche harmonique particulière ; ils claquent de plus en plus fort à mesure que le saxophone ténor d’Amado se heurte à un tourbillon de frappes. C’est un magma dont les échappatoires restent rares, hormis dans les moments de quiétude où par quelques souffles brefs un chemin sinueux et instable se trace. Le reste du temps, le flot s’écoule lorsque les digues cèdent et que la frénésie reprend le dessus, à force de jouer des coudes dans un espace très dense.

Après avoir évoqué le Freedom Principle avec Evans, le Motion Trio se range cette fois-ci derrière une magnifique citation du libertaire Jack Parsons qui définit à merveille la musique d’Amado : « Le libre-arbitre est une épée à deux tranchants, l’un est la liberté et l’autre la responsabilité. Chacun des tranchants est extraordinairement affûté ». La citation nomme chaque morceau, comme une thèse explorée autant que défendue et éclairée par une belle maîtrise. Ici, Amado et ses compagnons parviennent sans mal à marier la rigueur et l’ardeur ; autant de qualificatifs qui font notre bonheur.