Portrait

Rosa Brunello, en quête de libertés

Portrait de la contrebassiste italienne Roasa Brunello, en partenariat avec le magazine Giornalle della Musica.


Bien qu’active comme leader de projets sous son nom depuis plus de dix ans, la contrebassiste Rosa Brunello dégage toujours un sentiment de fraîcheur et d’urgence dans chacun de ses projets.
Sa curiosité musicale jamais rassasiée et sa capacité à toujours se remettre en jeu, même lorsque les orientations qu’elle a prises rencontrent la faveur de la communauté jazz, y sont pour beaucoup.

Rosa Brunello © DR

Ce n’est pas un hasard si son projet intitulé Rosa Brunello Y Los Fermentos (de 2016 à 2019, trois disques avec le label CAM Jazz et un live sur Bandcamp) a souvent changé de configuration, tout comme la période post-pandémique l’a vue se lancer dans une nouvelle aventure, le projet Sounds Like Freedom, devenu un disque majeur pour le jeune label Domanda Records et vraiment enthousiasmant en concert.
« Le disque est issu de deux jours de sessions d’improvisation en compagnie de trois merveilleux musiciens avec lesquels j’avais déjà collaboré au sein d’autres groupes, avant de réussir à les réunir pour ce nouveau projet : la trompettiste Yazz Ahmed, le guitariste Maurice Louca et Marco Frattini à la batterie », nous raconte Rosa Brunello.
« Avec Tommaso Cappellato, le producteur du disque, nous nous sommes occupés de la post-production et le groupe a joué en direct ce qui allait devenir les chansons du disque, en gardant toujours active la composante d’improvisation, en essayant de recréer les atmosphères générées d’abord en studio ».

Une musique à l’identité forte et engageante, dans laquelle la bassiste projette un imaginaire sonore au sein d’un monde dansant et multiethnique qui puise dans de nombreuses géographies et suggestions, comme le confirme également la playlist Spotify dans laquelle Rosa Brunello partage certaines des choses qu’elle aime.

« Ces dernières années, j’ai écouté beaucoup de musique brésilienne, dit-elle, mais aussi égyptienne, anglaise, italienne, américaine, cubaine, capverdienne, bolivienne…. J’essaie toujours de nourrir ma curiosité pour les musiques qui sont nouvelles pour moi et qui enrichissent mon univers musical. »
Un kaléidoscope d’influences, mais la musique qui en ressort est forte et cohérente, et se développe à même les corps des interprètes pour atteindre ceux des spectateurs en vagues toujours harmonieuses.
« Pour moi, Sounds Like Freedom est une recherche de la beauté dans la simplicité et les petites choses, de la clarté sans malentendu, du dialogue, de la confiance mutuelle, des mondes sans frontière », nous dit-elle avec un sourire spontané.

Une musique rythmiquement engageante, qui se déploie avec fluidité dans des langages qui renouvellent la relation avec les nouvelles générations de public. Des garçons et des filles qui, pour des raisons tant anagraphiques que culturelles, ne s’intéressent plus aux catégories dans lesquelles on enfermait autrefois les musiciens et qui, au contraire, s’identifient immédiatement aux vibrations qu’ils ressentent comme étant les plus proches de leurs réalités.
« Sounds Like Freedom a immédiatement reçu l’attention d’un public plus large, grâce aussi au travail de promotion essentiel réalisé par Cappellato avec Domanda Music », explique Rosa, « mais il faut aussi tenir compte de la visibilité internationale donnée par la plateforme Bandcamp et de nombreuses apparitions à la radio, dont une pour Worldwide FM avec Gilles Peterson. »
L’album s’est vendu dans le monde entier, du Japon à l’Australie, des États-Unis à l’Europe, mais surtout, le concert s’est prêté aussi bien aux auditoriums classiques qu’aux scènes en plein air ou aux clubs, attirant ainsi des publics d’âges et d’horizons musicaux différents.

Ce sont également des publics différents en termes de géographie, d’âge et d’approche, que Rosa Brunello a pu rencontrer à travers sa collaboration avec Dee Dee Bridgewater, commencée en 2021 dans le cadre d’un projet qui mettait la célèbre chanteuse américaine à la tête d’un quintet de talents italiens (le saxophoniste Michele Polga, le trompettiste Mirco Rubegni, le pianiste Claudio Filippini et la batteuse Evita Polidoro complétant le groupe).

Rosa Brunello © Firenze Jazz Festival

Côtoyer une personnalité expérimentée comme celle de Bridgewater, développer la flexibilité nécessaire pour aborder les différentes et prestigieuses dates européennes avec la bonne show(wo)manship, ont clairement donné à la contrebassiste une grande conscience, à tel point que Bridgewater a également souhaité l’avoir à ses côtés dans son prochain projet live européen, le quartet entièrement féminin qui s’est produit à l’automne 2022.
Une expérience qui ne pouvait manquer d’influencer la musique de Rosa à court terme : « Les sonorités acquises au cours de la dernière année de concerts avec Dee Dee Bridgewater, ainsi que celles du nonet international Elephantine de Maurice Louca, du quartet Sounds Like Freedom, de nouvelles collaborations avec Yazz Ahmed, le duo Hoodya avec Camilla Battaglia, et la plus récente expérience de résidence à la Montreux Jazz Academy avec Gilles Peterson, Chico Freeman, Chelsea Carmichael et Soweto Kinch, façonnent le son de mon nouveau répertoire, dont les enregistrements mettront en lumière les connaissances acquises pendant cette période prospère ».

Vers la fin de notre conversation avec Rosa Brunello, nous lui demandons, puisque nous parlons de sorties de disques, ce que cela signifie pour elle d’enregistrer pour un label nouveau et transversal comme Domanda Music de Tommaso Cappellato. Sa réponse, forcément, est très humaniste.

"C’est collaborer avec un ami pour lequel j’ai énormément d’estime et de respect et avec lequel je partage des goûts et des horizons musicaux. Il a été très naturel et facile de travailler ensemble, de partager la conception du disque, le travail en studio et le travail ultérieur. Tommaso est une référence constante dans mon parcours artistique, une personne sur laquelle je peux compter et me reposer.
Je suis heureuse de faire partie d’un nouveau label indépendant, qui soutient et promeut ses artistes avec dévouement et enthousiasme, avec une vision ouverte et transversale de la musique, et qui inclut, en plus de mon disque, d’autres musiciens et de merveilleux projets auxquels je me sens liée
".

Ainsi, pour en revenir au sentiment de nouveauté que Rosa Brunello transmet à chacune de ses aventures, on ne sera pas surpris de trouver son nom parmi les votes majoritaires dans la catégorie « nouveaux talents » du Top Jazz Poll 2022 du magazine Musica Jazz. D’aucuns, avec un peu de cynisme, pourraient attribuer ce résultat à la méconnaissance de l’actualité de certains votants (puisque Brunello a maintenant plus de 35 ans et, comme nous l’avons dit, est active depuis une décennie), mais nous préférons penser que c’est sa capacité à se renouveler de manière toujours originale qui nous fait la percevoir chaque jour comme une nouveauté à découvrir.

par Enrico Bettinello (Giornale della Musica) // Publié le 5 mars 2023
P.-S. :

Cet article est publié simultanément dans les magazines européens suivants, à l’occasion de « Now’s the Time » une opération de mise en avant des jeunes musiciennes de jazz et blues : Citizen Jazz (Fr), JazzMania (Be), Jazz’halo (Be), London Jazz News (UK), Jazz-Fun (DE), Giornale della musica (IT), Written in Music (NL) et Donos Kulturalny (PL).

This article is co-published simultaneously in the following European magazines, as part of « Now’s the Time » an operation to highlight young jazz and blues female musicians : Citizen Jazz (Fr), JazzMania (Be), Jazz’halo (Be), LondonJazz News (UK), Jazz-Fun (DE), Giornale della musica (IT), Written in Music (NL) and Donos Kulturalny (PL).

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