Sam Newsome & Max Johnson
Tubes
Sam Newsome (ss, objets), Max Johnson (b).
Label / Distribution : Unbroken Sounds
Saxophoniste soprano reconnu, Sam Newsome a travaillé notamment avec Mark Turner et Jean-Michel Pilc, avant de s’illustrer dans de nombreux disques solo marqués par des techniques étendues et des usages mutants de son instrument, préparé avec des tuyaux ou d’autres trouvailles. C’est dans cette configuration qu’on le découvre avec le contrebassiste Max Johnson, infatigable artisan de petites formations avec son label Unbroken Sounds. Tubes est le fruit d’un duo qui s’amuse avec l’aspect très canonique d’un duo saxophone-contrebasse ; si le jeu de Johnson est souple et volubile, c’est indéniablement Newsome qui va chercher les sons au plus profond de l’étrangeté, comme ce ronflement sauvage dans « Strangled Duck » autour duquel la contrebasse construit à coups de phrases sèches, pleines de détails néanmoins. Grouillante de vie.
Le jeu de Newsome est avide de détails, même lorsqu’il oppose la noirceur fébrile au jeu d’archet de Johnson, délicieusement inquiétant (« Four Portraits »). Le duo sait trouver des ambiances changeantes où l’atmosphère a plus d’importance que la rudesse du terrain et son aspect heurté. Ainsi, « Four Portraits » sait évoluer naturellement et sans à-coups vers un chemin plus limpide où les pizzicati embrasent spontanément de multiples allumettes pour flotter au plus proche d’un blues inflammable, ce « Blue Monk » où la contrebasse plus sage se donne des allures de braise ardente venue teinter de rouge un bleu nuit digne des fonds marins. Quand le thème principal est joué, dans les dernières secondes du morceau, c’est comme s’il s’extirpait des profondeurs pour mieux se révéler.
Les Tubes de Newcome et Johnson sont-ils ces chemins labyrinthiques que le duo emprunte sans se poser de questions, ou symbolisent-ils les artifices du saxophoniste pour transmuter son instrument ? La question ne se tranche pas vraiment dans ce disque à la fois complexe et spontané, qui couronne surtout le talent d’improvisateur du duo et le naturel de Max Johnson qu’aucun terrain ne rebute, même le plus tortueux.