Chronique

Samuel Blaser

Boundless

Samuel Blaser (tb), Marc Ducret (g), Bänz Oester (b), Gerald Cleaver (dm)

Label / Distribution : Hat Hut

Enregistrer pour l’illustre label suisse HatHut est déjà un honneur en soi, mais cela se transforme en rêve lorsque l’on est suisse et à l’orée de sa carrière !

Samuel Blaser en profite pour signer un des albums marquants de 2011. Enregistré lors d’une tournée en Suisse en octobre 2010, Boundless est une suite en quatre parties composée par le tromboniste et jouée par son quartet - constitué de Gerald Cleaver à la batterie, du contrebassiste Bänz Oester et de Marc Ducret à la guitare. Elle fait la part belle à l’improvisation, les parties écrites servant de point de départ ou de retrouvailles pour les musiciens. On imagine facilement que Boundless a été façonnée et transformée par la scène, que le quartet se l’est appropriée pour aboutir à la version de l’album. Version fascinante car, écoute après écoute, on est totalement envoûté par cet art de construire chaque partie, de multiplier les dynamiques, de créer des zones d’échanges où s’instaurent des dialogues étonnants. Alternant passages calmes, où chacun construit son discours méthodiquement, puisant au plus profond des ressources offertes par son instrument, et envolées d’une folle énergie où la puissance se libère, où la communication tient de la télépathie, Boundless est une réussite magistrale. L’équilibre trouvé entre écrit et improvisé, ardeur et retenue, écoute mutuelle et solos enragés est exceptionnel.

Au-delà de ces qualités collectives, il faut souligner les talents individuels, à commencer par Samuel Blaser lui-même. Élevé au jazz et au classique, il dispose d’une maîtrise qui lui permet d’utiliser toute la tessiture et toutes les techniques du trombone, avec toujours une sonorité d’une pureté rare. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter ici la seconde moitié de la Partie II : travail dans les graves, sons polyphoniques, assurance mélodique, Blaser est passionnant. Ses qualités sont renforcées par la relation quasi-idéale qui le lie à la guitare de Ducret. On savait que le Français aimait jouer en compagnie de trombonistes (cf Tower, Volume I avec Matthias Mahler, ou le Volume III autour d’un sextet avec pas moins de trois trombonistes ; en voilà une nouvelle preuve. Tout au long de Boundless, les timbres mêlés des deux instruments, leurs lignes croisées, leur dialogue permanent sont très richesse. Le trombone se love dans le jeu de guitare, dont les zébrures électriques répondent aux lignes incisives de Blaser ou accompagnent subtilement ses développements. A leurs côtés, la paire Oester/Cleaver n’est pas en reste. Là aussi, l’entente est au sommet. On connaît le batteur, parmi les plus doués et demandés de la scène actuelle tant sa palette est large et son talent immense. Bänz Oester est moins connu, mais cela ne devrait pas durer ! Tous deux font preuve de subtilité, d’inventivité, aussi à l’aise dans l’accompagnement que dans les solos ; traversant le rock, le jazz, la musique improvisée contemporaine dans un même morceau, ils jouent un rôle fondamental dans la réussite de ce disque à découvrir d’urgence, en espérant que ce ne soit que le début d’une aventure qui est déjà plus que prometteuse.