Chronique

François Houle 5 +1

Genera

François Houle (cl), Taylor Ho Bynum (cnt), Samuel Blaser (tb), Michal Bates (b), Harris Eisenstadt (dm), Benoît Delbecq (p)

Label / Distribution : Songlines

François Houle, clarinettiste canadien aussi à l’aise dans l’interprétation d’œuvres classiques qu’en jazz et en musiques improvisées, est principalement connu en France pour son travail avec Benoît Delbecq [1]. Le voici en quintet avec en invité…le pianiste français. À leurs côtés, la fine fleur de la nouvelle génération nord-américaine : Taylor Ho Bynum au cornet, Michael Bates à la contrebasse et Harris Eisenstadt à la batterie, ainsi que la révélation du trombone européen, Samuel Blaser. Tous ont marqué ces dernières années par leurs collaborations multiples mais aussi et surtout par leurs œuvres en tant que leaders. Ainsi, Blaser a déjà livré de grands disques (Boundless, Vol à voile) ; Bynum est à la tête d’un excellent sextet et joue au sein du passionnant quartet The Thirteenth Assembly. Quant à Eisenstadt, il vient de publier le troisième volume de son Canada Day, salué par la critique. Enfin, Bates, avec son quartet Outside Sources, a notamment enregistré deux disques (vivement recommandés) pour le label Greenleaf Music de Dave Douglas. Autant dire que Houle a monté là un groupe plus qu’alléchant qu’on avait hâte de découvrir.

« Le Concombre de Chicoutimi I », qui ouvre l’album, porte dès les premières mesures la signature bien particulière de François Houle. Sur un tempo lent, l’auditeur se laisse prendre par l’étrangeté du thème et la beauté des timbres. Après cette courte introduction, le décor change du tout ou tout avec « Essay #7 » : le rythme s’élève, les lignes se croisent, le discours se complexifie. Plus d’introspection ici, mais de l’énergie, des lignes tendues tirées par les différents musiciens. La naissance d’un alliage qui fait la force de Genera. Car l’une des grandes réussites de ce Québécois installé à Vancouver est d’exploiter au maximum les possibilités des six instruments dont il s’est entouré pour pétrir la masse sonore et les lignes mélodiques et en tirer une musique originale, extrêmement riche. Genera est en équilibre perpétuel entre les pistes ouvertes par ces deux morceaux introductifs.

La technique sans faille des musiciens est entièrement au service de l’œuvre collective. Genera est l’occasion d’admirer la cohésion, la sensibilité et l’inventivité de la paire rythmique Bates-Eisenstadt, la sonorité exceptionnelle de Blaser au trombone, la fluidité de Bynum au cornet. C’est surtout une nouvelle preuve de l’entente exceptionnelle entre Delbecq et Houle, et du talent de chacun pour habiter une musique originale. Un jazz contemporain qui prend corps et vie tout au long de l’album, entre plages contemplatives et morceaux enlevés, avec un sens de la dramaturgie passionnant. François Houle nous ouvre les portes de son monde, parfaitement servi par de jeunes pousses dont le talent s’épanouit au grand jour.