Sascha Henkel
Mock « Grandeur »
Sascha Henkel (g, com), Benjamin Weidekamp (as), Christian Weidner (as), Tobias Backhaus (dms)
La pochette et l’absence d’informations de base telles que le nom des morceaux, ou même leur nombre, peut dérouter absolument ; c’est le but. Mock Grandeur, l’orchestre du jeune guitariste suisse Sascha Henkel, est là pour frapper fort, vite, et sans explication préalable. Les titres, ils sont 25, et un quart d’entre eux à peine dépasse les trois minutes. Ce qui nécessite de dire les choses de manière concise ; « TS » [1] le fait sans détour, en deux minutes : la guitare de Henkel est réduite à un bourdonnement métallique encadré par la batterie de Tobias Backhaus, qui tombe en pluie. Pour la poésie et les petits oiseaux, on ira voir ailleurs.
Les volatiles sont en cage. Les deux saxophones altos de Benjamin Weidekamp et de Christian Weidner s’égaillent autant qu’ils veulent, mais c’est dans l’espace contraint que leur allouent la batterie et la guitare. Ainsi, « #4 » est une belle occasion pour toutes les prises de bec, limitées cependant par le flot continu de Henkel. Un flux que les altos, eux-même placés de chaque côté de la mêlée, subissent. Il arrive parfois que les choses se renversent : dans le très court « S » - à peine une minute - c’est Henkel seul qui se débat avec une électricité contondante, comme s’il s’était ligoté lui-même ; « BC » qui lui fait suite est un chœur d’altos à l’unisson qui semblent appeler de nouveau à une forme de servitude volontaire.
Avec ce disque sans concession, Sascha Henkel fait montre d’un grand talent de compositeur et d’organisateur du chaos. Pas celui qui crie, qui hurle, qui réclame l’attention ; au contraire, une forme lancinante, plus colorée et torride aussi, qui s’insinue partout avec une certaine malignité (« STC »). Un exercice dans lequel il avait déjà brillé avec Kaiserbuck, sur le fidèle label Wide Ear Records, dans une forme plus longue en trio avec le tuba de Marc Unternährer et la batterie d’Alex Huber. Les ingrédients étaient les mêmes, avec un goût pour les drones (ici tenus par le tuba) comme base de départ de toutes les prises de liberté. Henkel, un nom à retenir d’urgence de ce côté-ci des Alpes.