Chronique

Loriot/Koch/Kocher

Stranger Becoming

Hans Koch (cl), Frantz Loriot (vla), Jonas Kocher (acc).

Label / Distribution : Neither Nor

Même si Frantz Loriot détient la nationalité française, on le sait très attaché à la Suisse. L’altiste a ainsi collaboré avec Christoph Erb comme avec Silvan Schmid, et c’est ainsi qu’on ne sera pas surpris de le retrouver en trio avec deux figures de la musique improvisée helvétique, le clarinettiste Hans Koch et l’accordéoniste Jonas Kocher. Du premier, on sait que c’est un vétéran des scènes mondiales, qu’on a entendu aux côtés de Cecil Taylor, Barry Guy ou Paul Lovens. Du second, on notera des collaborations régulières avec Michel Doneda, mais également une proximité avec la musique contemporaine, notamment le travail de Luc Ferrari. Stranger Becoming est un album où le travail sur le son est primordial, d’abord dans l’amalgame de timbres. Sur « All Told », l’archet de Loriot et les soufflets de l’accordéon se fondent en un bourdon fragile mais constant, que la clarinette vient éroder. Une sculpture brute et subtile à la fois.

On ne sera pas surpris d’apprendre que le disque du trio paraît sur le label Neither/Nor, tant l’esthétique globale s’identifie totalement à ce que l’on a coutume d’entendre sur le label américain. On a souvenir de Natura Morta où Frantz Loriot usinait la même matière avec Carlo Costa et Sean Ali. Ici, le travail de Jonas Kocher, faussement impavide, offre un incroyable relief au propos du trio. À l’écoute de « Found Bodies », alors que la clarinette vient en soutien de l’alto, l’accordéon ouvre de nouvelles perspectives dans lesquelles ses compagnons s’engouffrent, offrant à l’abstraction ambiante une dimension guillerette et franchement joueuse.

La musique de Frantz Loriot a toujours été une expression de la profondeur et de l’attention. Avec Kocher et Koch, il trouve des acolytes très impliqués dans ce travail sur le timbre qui oscille entre minimalisme et luxuriance. « Stranger Becoming », le morceau titre en est l’ultime expérience, l’alto fouillant dans une note étendue de l’accordéon, la clarinette se résumant parfois à un simple souffle. L’aridité du trio est le secret d’une imagination fertile. Un délicieux paradoxe, qui s’écoute à l’envi.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 juin 2023
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