Chronique

The Attic

Summer Bummer

Rodrigo Amado (ts), Gonçalo Almeida (b), Onno Govaert (dms)

Label / Distribution : NoBusiness Records

The Attic est un groupe mouvant. Pouvait-il en être autrement avec le saxophone ténor belliqueux et preste de Rodrigo Amado ? On se souvient, en 2017, de la première mouture du trio, strictement lusitanienne, enregistré pour le label NoBusiness, et de la densité de cette rencontre du ténor avec la contrebasse du jeune Gonçalo Almeida qui avait fait forte impression. A l’écoute de « Free For All », revendication scandée avec la certitude de ceux qui savent tout chambouler, on constate que le rapport de force n’a pas changé. La contrebasse est solide et vectrice de tension, le ténor est un feu follet aux déplacements anguleux qui aime à grignoter un espace que chacun sait prendre. Il y a néanmoins dans ce nouvel album estampillé The Attic quelques changements de cap ; à commencer par le batteur, puisque c’est désormais le Néerlandais Onno Govaert qui maîtrise le tonnerre, dans un rôle plus pugnace et moins explosif que son prédécesseur.

Plus que jamais, dans « Walking Metamorphosis », il s’agit de mettre au centre des débats la relation entre la contrebasse et le ténor. Comme deux fauves qui se jaugent dans des cages, l’anche d’Amado et l’archet d’Almeida tournoient, lentement et pesamment, avant de montrer les griffes dans une accélération soudaine. Il ne s’agit pas d’une opposition systématique ni d’un carambolage permanent, mais Rodrigo aime quand ça frotte, et ses compagnons le lui rendent bien en faisant bouger les profondeurs comme pour mieux redessiner les cartes. Govaert s’installe comme chez lui dans ce schéma. Il connaît bien la scène free portugaise, notamment Luís Vicente, et on retrouve la démarche de In Layers dans nombre de ses prises de paroles, notamment lorsqu’il attise un pizzicato acharné à la toute fin de « Walking Metamorphosis », ce qui a comme conséquence directe de libérer la dynamique de groupe pour la laisser s’épancher en toutes directions.

Enregistré au festival Summer Bummer d’Anvers qui donne son nom au disque, cette nouvelle version du trio bénéficie aussi de l’impétuosité née de la présence du public. Il n’y a aucun calcul dans ce disque de fin d’été qui respire la liberté. Le soleil est au beau fixe, il darde, et les coups de soleil ne sont pas loin… La musique de The Attic est à cette limite, tout proche de la brûlure, non éloignée de la morsure, mais toujours dans les franges du plaisir. Un creuset free qui n’est pas près de se tarir.

par Franpi Barriaux // Publié le 29 septembre 2019
P.-S. :