Chronique

Séisme

Jishin

David Sevestre (saxes), Jérôme Damien (p), Nicolas le Moullec (b), Adrien Chennebault (dms)

Label / Distribution : Musique et Equiibre

Si vous ignoriez que le Loiret est l’une des zones sismiques les plus surveillées de France - ce qui était le cas de votre serviteur jusqu’à la réception de ce Séisme paru sur le label Musique & Equilibre -, l’écoute de ce nouveau quartet, où se regroupent sur la crête de la faille de jeunes musiciens d’Orléans et de Tours, vous l’apprendra très vite. Tant pis si Jishin, séisme en japonais, nous transporte sur des remous plus exotiques et voyage au gré des ondes de choc, sous la férule de la batterie d’Adrien Chennebault - connu pour ses aventures au sein du Tricollectif. Après tout, si ce n’est pas la terre du Milieu (de la France) qui bouge, c’est sa scène musicale. Parions que c’est tout de même moins stressant, notamment lorsqu’avec « Shaanxi », le saxophone de David Sevestre, musicien de Méloblast et initiateur du projet, erre avec une certaine mélancolie au cœur d’un paysage tranquille qu’on imagine en ruine, à peine balayé par les bourrasques de piano de Jérôme Damien.

Séisme porte bien son nom : comme le phénomène naturel qu’il décrit, il agit d’abord à bas bruit - témoin l’échange subtil, presque chambriste des deux parties de « Nankaï » où la tension monte à mesure que la basse de Nicolas le Moullec s’active et se renforce. Comme les sismographes, c’est son électricité qui témoigne des mouvements à venir et des virulences soudaines, digne d’un Power Quartet où Chennebault s’en donne à cœur joie. En témoigne « Kanto » où chaque mouvement chancelle au bord du chaos ou s’évade par tous les souterrains, ajoutant aux tremblements ce qu’il faut de stupeur, vite écartée par l’assurance chaleureuse de Sevestre.

Le thème du phénomène naturel permet à ce joli quartet de nous emmener un peu où il veut. On s’attend à un free débridé lorsque « Onde de Volume » nous saisit par le col et nous surprend pleinement. L’entame est aussi dure qu’elle est courte : 24 secondes coup-de-poing pour situer le sujet, puis une sorte de langueur où les piaillements d’oiseaux laissent place à un propos collectif qui ressemble à un étourdissement. On traverse cet album sans cesse sur le qui-vive, attentif aux risques de répliques qui ne manquent d’ailleurs d’arriver ; parfois sporadiques, ou construites sur le temps long (« Sumatra »), elles sont le point d’orgue d’un album très réfléchi et bien conçu qui augure de belles choses pour ces musiciens.