Snarky Puppy & Metropole Orkest
7 mai 2015 à l’Olympia : une symphonie intergalactique
Photo © Fabrice Journo
C’est un Olympia plein à craquer qui accueillait Snarky Puppy pour la sortie en France de SYLVA (Impulse), suite symphonique composée par Michael League et enregistrée aux Pays-Bas avec le Metropole Orkest sous la direction de Jules Buckley.
Tout de blanc vêtus, tels les « Men in White » débarqués d’une autre galaxie, les membres du Metropole Orkest (cinquante deux au total) prennent place sous les clameurs d’un public déjà extrêmement enthousiaste. Il faut dire que chaque concert des Snarky est un événement en soi et que la première partie, assurée par la chanteuse et accordéoniste grecque Magda Giannikou (accompagnée par Michael League en personne) a déjà dopé la salle.
- Magda Giannikou Photo © Fabrice Journo
Les applaudissements redoublent lorsque le « Capitaine » League et son équipage rejoignent l’orchestre, se frayant difficilement un chemin jusqu’à leurs instruments respectifs (chaque parcelle de la scène est occupée). L’orchestre s’accorde, un silence religieux règne à présent dans la salle, on retient son souffle… jusqu’à l’introduction de « Sintra », premier mouvement dont le titre évoque une forêt de la ville du même nom, au Portugal. Ouverture majestueuse du thème par les violoncelles, rejoints par les violons, deux contrebasses et une darbouka, pour un climat digne d’un Lawrence d’Arabie de Maurice Jarre.
Le bassiste-leader (et compositeur avant tout) nous explique qu’il a conçu SYLVA avec une instrumentation bien spécifique en tête, un orchestre customisé comme suit : exit les hautbois et les bassons, remplacés par trois tubas, trois trombones et un trombone basse doublés tantôt par la basse électrique, tantôt par le Moog Bass (« Little Phatty ») de Michael. Les bois sont remplacés par deux clarinettes basse et une clarinette contrebasse, complétées par une double section de cordes et quatre cors, « l’idée étant de booster le registre grave », nous a-t-il confié. Le registre aigu n’est pas en reste, avec un effectif conséquent de flûtes. Quant au registre medium, il a été supprimé afin de créer une autre texture, laissant ainsi de la place aux Snarky Puppy. « Je voulais créer un son plus « sale », plus brut et plus « gras », qui se démarque le plus possible de celui, poli et sage, des orchestres symphoniques dits « traditionnels », rajoute Michael.
- Photo © F. Journo
Opération réussie, effet garanti. Chaque intervention de Richard « Sput » Searight est une météorite rythmique (un solo d’anthologie appuyé par Nate Werth et les deux percussionnistes du Metropole sur « Shofukan »), alternant concerto de cymbales (dont la fameuse « splash ») et autres patterns qui font flirter R&B, funk, afoxé, baião et maracatú, évoquant ici les terres arides du nord-est du Brésil.
Suivront les cinq autres mouvements de SYLVA. Cinq forêts, cinq ambiances : les tubas, trombones et autres cuivres sont à l’honneur sur la marche funk néo-orléanaise « Atchafalaya » (un marécage de Louisiane), rehaussée par le solo de guitare très rock de Chris McQueen. Un arsenal de claviers que se partagent Cory Henry (Moog, B3), Bill Laurance (piano, Moog, Wurlizter) et Justin Stanton (Fender Rhodes, Moog, Clavinet), vient compléter cette riche palette, ponctuée par des chorus et autres interventions plus jubilatoires les uns que les autres.
Car si les parties sont très écrites, SYLVA, comme tous les albums et prestations « live » des Snarky Puppy, n’exclut pas pour autant l’improvisation ; ce que nous confirme Michael : « Quand on écrit pour soixante-trois personnes, on se doit d’être encore plus précis ; mais en fait, j’ai tout agencé pour laisser suffisamment de place à l’impro : le solo de piano de Bill Laurance sur « The Curtain » peut prendre n’importe quelle forme ; on sait toujours où se retrouver. Idem pour la guitare ou l’orgue dans un autre mouvement. » Signalons en effet un magnifique chorus du pianiste britannique sur « The Curtain », véritable moment de grâce à l’esthétique lisztienne. D’autres improvisations se succèdent sur le pattern binaire de « The Clearing », dernier mouvement : guitare (avec octaver et autres effets), trompette et pédale wah-wah « à la Miles » (on pense à On the Corner).
L’effervescence reste à son comble tout au long du concert : musiciens, public, ingénieurs sons & lumières dansent dans une transe collective électrique. Le plaisir et la ferveur seront prolongés le temps de cinq rappels d’une dizaine de minutes chacun, dont « Ready Wednesday », composition phare de Bill Laurance jouée pour la première fois en grand format, suivie de deux titres cultes des Snarky, extraits de leur précédent album We Like it Here : « Lingus » (mythique chorus d’orgue et de Moog de Cory Henry) et, pour finir, « Shofukan », véritable hymne qu’entonnera spontanément la foule devenue chorale. Un refrain qui résonnera encore longtemps une fois les « Men in White » partis, et que les murs de l’Olympia ne sont pas près d’oublier.