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Edition du 23 avril 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Strange Fruit (Michel Dezoteux) à Bruxelles

Communiqué :

STRANGE FRUIT
une création théâtrale et musicale
Mise en scène : Michel Dezoteux

Création le jeudi 29 mars 2007 à 20H30
Représentations du 29 mars au 21 avril 2007 en grande salle
du mardi au samedi à 20H30, exceptés les mercredis à 19H30
Réservations : 02/640.82.58 ou reservation@varia.be

Théâtre Varia
78, Rue du Sceptre
1050 Bruxelles

Une chanson sur le racisme, la voix de Billie Holiday, le jazz… où sont les fantômes de ce passé ? Comment nous touchent-ils aujourd’hui ? Et « Strange Fruit » est bien plus qu’une chanson, ses mots ont accroché, provoqué, sa musique a tenté de gripper la mécanique du racisme. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Strange Fruit une création musicale et théâtrale conçue par des acteurs, musiciens et chanteurs.

Avec :

Rosario Amedeo, Karim Barras, Frédéric Dezoteux, Michel Dezoteux, Daphné D’heur D’heur, Fanny Marcq, Denis Mpunga, Achille Ridolfi, Santo Scinta.

Costumes : Souad Kajjal Kajjal.
Maquillages : Jean-Pierre Finotto.
Vidéo idéo : Eric Castex.
Lumière : Pierre Willems.
Ingénieur son : Renaud Carton.
Regard scénographique : Johan Daenen.
Assistant à la mise en scène : Glenn Kerfriden.
Un spectacle du Théâtre Varia

« En musique, les noirs sont généralement plus doués que les blancs ; ils ont une oreille très juste pour la mélodie et le rythme, et certains sont capables d’inventer de petits airs. On ne peut pas encore savoir s’ils pourraient mener à bien des compositions de plus grande envergure … »
Thomas JEFFERSON (1786), troisième Président des Etats-Unis, de 1801 à 1809.

Pour voir Billie Holiday chanter « Strange Fruit »

« Strange Fruit »

Southern trees bear a strange fruit,
Blood on the leaves and blood at the root,
Black body swinging in the Southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.
Pastoral scene of the gallant South,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolia sweet and fresh,
And the sudden smell of burning flesh !
Here is a fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for a tree to drop,
Here is a strange and bitter crop.

En 1937, Abel Meeropol (enseignant juif du Bronx, membre du parti communiste connu pour avoir plus tard adopté les enfants de Julius et d’Ethel Rosenberg) publie, sous le pseudonyme de Lewis Allen, un poème (« Bitter Fruit Fruit »), vibrant réquisitoire contre les lynchages de Noirs perpétrés dans les Etats du Sud. En 1939, Abel Meeropol est présenté à Billie Holiday et c’est au Café Society Society, seul club antiségrégationniste de New York, que
celle-ci désorientera son public en chantant pour la première fois « Strange Fruit », adaptation du poème. La chanson est boycottée par la plupart des radios et la maison de disques de Billie Holiday refusera de l’enregistrer. La chanteuse sera même chassée d’un concert pour avoir voulu l’entonner. Elle finira cependant par l’imposer à la fin de chacun de ses concerts et la chanson, tout comme l’interprète, entreront dans la légende du jazz.

Sorti en 1939 - l’année d’Autant en emporte le vent, film qui évoque la condescendance de l’époque pour les Noirs et les artistes noirs, « Strange Fruit » a « replacé la protestation et la résistance au centre de la culture noire américaine », a écrit Angela Davis. Aujourd’hui encore, les musiciens de jazz en parlent toujours avec un mélange de respect et de terreur reur. Billie Holiday a commencé à chanter « Strange Fruit » seize ans avant que Rosa Parks refuse de céder sa place dans un bus en Alabama. Elle l’a interprété durant les vingt dernières années de sa vie d’innombrables fois, au point que la chanson n’a pas seulement allumé la mèche, mais aussi entretenu la flamme. Gravée dans les mémoires, bien après que la voix la plus déchirée et la plus déchirante que le jazz ait connu, se soit éteinte, elle a laissé une impression durable. Elle est la première chanson à avoir fait prendre conscience du racisme et de la capacité de l’art à racheter et à améliorer les choses. Si par ailleurs, on condense l’histoire et on rajoute à la chanson le roman manifeste éponyme de Lilian Smith paru en 1944 qui fit aussi scandale, on fera l’étrange constat de
relever que dans le fond, il aura suffi d’un juif et de deux femmes - l’une blanche, l’autre noire -, d’un poème, d’une chanson et d’un roman pour que s’élèvent enfin des voix contre le racisme et la ségrégation…

Toutes les chansons ont une histoire. Celle-ci, du fait de son contenu, de l’époque où elle est interprétée, et aussi de la vie sulfureuse que son interprète a menée, a indéniablement marqué plus que toute autre. Dans le spectacle cependant, nulle actrice n’incarne Billie Holiday, pas plus que sa vie n’est racontée. Le spectacle fouille à travers textes et musiques, dans ce qui nous reste de ce passé. En faisant resurgir les fantômes, en réécoutant cette voix qui mieux que nulle autre savait faire passer les chaos de l’existence, les humiliations racistes, les abus de tout, en revoyant ces photos où des corps pendent aux arbres tels d’étranges fruits à l’ombre du Ku Klux Klan, qu’est-ce qui peut encore nous troubler, nous marquer, nous faire réagir ? De tout cela, que retiennent nos temps modernes ? Seulement les airs qui se fredonnent et les paroles qui s’envolent ?

Michel Dezoteux, côté mises en scène :

Quand il y a trente ans, en 1977, Michel Dezoteux signe sa première mise en
scène Lenz ou La neige dans la maison (1977) d’après Büchner, il tente de concilier l’exigence littéraire avec une esthétique gestuelle qui lui a été inspirée par ses stages chez Barba. Suivent ensuite des propositions de théâtre-récit, un Crusoé (1978) d’après Tournier et Defoe, puis Lettres de prison (1979) d’après Gramsci, signe d’une préoccupation et d’un engagement politiques toujours présents dans la démarche artistique, avant de proposer Bovary (1981) d’après Flaubert. Entre-temps, il a organisé en 1980 le premier festival internatio international de Théâtre de Bruxelles qui révèle au public belge quelques grands noms de l’avant-garde américaine : Phil Glass, Lucinda Childs, Trisha Brown, Mabou Mines. Il approfondit ensuite son intérêt pour le théâtre de Brecht, dont il présente Maître Puntila et son valet Matti (1987), La noce chez les petits bourgeois (1988) et Brecht-Machine.

Attiré par la relecture des œuvres du répertoire, il met en scène La cerisaie (1984) de Tchekhov, pièce à laquelle il reviendra avec succès en 2004, ou encore Le songe d’une nuit d’été (1989) de Shakespeare. Il se tourne ensuite vers le répertoire contemporain d’expression germanique : Susn (1983) d’Achternbush, La mission (1986) et Zement (Festival d’Avignon 1991) de Heiner Müller, L’éveil du printemps (1993) et Mademoiselle Julie (1994) d’August Strindberg, Octobre et Les têtes de cuir (1997-98) de Georg Kaiser, ainsi que Les Présidentes, Excédent de poids, insignifiant, amorphe et Extermination ou mon foie n’a pas de sens (1995-96) de Werner Schwab, pièces qui lui permettent de pousser jusqu’à l’audace son goût pour l’hyperréalisme et la stylisation haute en couleurs afin de dénoncer le fascisme ordinaire. Après une mise en scène de commande de Un noir, une blanche, sur de courts textes de Liscano, Lise, Vaillancourt et Slimane Benaïssa, c’est à nouveau vers le répertoire classique qu’il se tourne. Il met en scène La cerisaie (2001, Prix du Théâtre de la meilleure mise en scènede la presse belge), Richard III (2003) et L’Avare (2005), trois spectacles qui lui valent de grands succès.

Michel Dezoteux est également professeur à l’INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle) et est responsable pédagogique des études d’interprétation dramatique depuis 1978. Avec Strange Fruit, c’est la première fois qu’il s’attaque à la page blanche et à la création collective, musicale et théâtrale, entouré d’acteurs et d’actrices aux talents multiples, avec lesquels il a déjà fait un bout de parcours.

Présentation de l’équipe Avec vue sur musique :

Rosario Amedeo est à la fois acteur acteur, musicien et compositeur. Formé aux Conservatoires de musique de Bruxelles en jazz, et de Mons, en classique, il a signé des musiques de films et de spectacles - dont Richard III et L’Avare dans lesquels il était également interprète. Il fait partie du groupe Deosan’.

Karim Barras a été l’interprète inoubliable du rôle-titre de Richard III et l’intendant d’Harpagon dans L’Avare. Il joue de la basse électrique et de la guitare. Il compose de musiques pour la scène et pour le groupe Marthajane. Il est aussi bassiste dans le groupe Rafter.

Frédéric Dezoteux a été dans La cerisaie, Richard III et L’Avare. Il a suivi des cours de violoncelle, de basse et de rythmes.

Daphné D’heur est actrice (Richard III et L’Avare) et a une formation de pianiste et de chanteuse. Elle a composé des musiques de scène, a été choriste de Joachim Jeannin, a créé un duo en hommage à Léo Ferré avec Jean-Luc Fafchamps et enseigne le chant. En septembre 2006, elle a remporté trois prix lors de la biennale de la chanson française : le prix de la Biennale, le prix de la Sabam, le prix du public.

Fanny Marcq a été Elise, la fille d’Harpagon dans L’Avare. « Give me the M. Give me the U. Give me the S. Give me the I. Give me the C », chante-t-elle à tue-tête, car elle aime chanter. Particulièrement dans sa voiture.

Denis Mpunga Mpunga, en résidence au Théâtre Varia avec le Théâtre Musical Possible, est un artiste aux multiples talents. A la fois acteur acteur, metteur en scène, musicien et auteur, on l’a vu jouer dans Richard III et il a mis en mis en scène Atterrissage et Jaz. Il joue des percussions indiennes, des percussions africaines, du sax soprano, de la flûte traversière, de la flûte peule, de l’harmonica et de la guitare. Il a créé le groupe GOMMA Percussion et le
groupe afro-jazz Eko-Kuango Kuango.

Achille Ridolfi vient de sortir de l’INSAS. Il a repris le rôle tenu par Rosario Amedeo dans L’Avare. Dès l’âge de 9 ans, son père lui « imposera » le piano avec lequel il rompra à l’âge de 17 ans pour y revenir dans le cadre de ses études.

Santo Scinta est professeur de rythme au conservatoire de musique de Bruxelles (section jazz), à l’INSAS et à l’IAD. Il est batteur leader du groupe Soul and Soul Band. Il accompagne de nombreux chanteurs, dont Adamo, Daphné D, Jennifer Scavuzzo, etc. et se produit sur les scènes belges et sur internet dans le jazz, la pop et le rock.

Quant à Michel Dezoteux, il est aussi saxophoniste. La musique, et particulièrement le jazz, a toujours fait partie de son univers, et il l’a souvent mise au service de ses spectacles que ce soit dans La noce chez les petits bourgeois, dans Richard III ou encore dans L’Avare. Dans Strange Fruit, elle ne sert pas d’illustration au propos, mais fait partie intégrante du projet, puisqu’elle en est même le point de départ.