
Tamara Lukasheva & INSO Lviv Orchestra
Anima
Tamara Lukasheva (voc), Roman Kreslenko (dir), Matthias Schriefl (tp, flh, alphorn) + INSO.
Label / Distribution : Tangible Music
Depuis des années, la chanteuse Tamara Lukasheva est installée à Cologne, en Allemagne, où elle mène une carrière remarquée ; elle nous avait enchantés dans le Trio Ivoire XX de Hans Lüdemann, non loin d’Alexandra Grimal. Avec le INSO Lviv Orchestra, cette Ukrainienne de naissance renoue avec la culture et les traditions de son pays en douceur, sans trop appuyer les coups de coude et les symboles.
Bien entendu, le sujet est l’Ukraine. Évidemment, le sujet est éminemment politique.
Mais le message ne surpasse pas les messagers : à l’écoute de « Spovid », c’est d’abord la grande finesse d’écriture de Lukasheva et le talent de l’orchestre qui éclairent le poème de la jeune Antonina Kornuta, l’une de ces plumes nées de l’horreur de la guerre impérialiste russe. La voix de Lukasheva, sans artifices inutiles et entièrement portée vers le texte, donne corps à cette volonté de montrer l’Ukraine debout.
De la même façon, « Oi u luzi », traditionnel ukrainien, est envisagé d’abord comme une belle relation entre un orchestre taillé pour la musique classique et une chanteuse de jazz qui ne s’interdit pas un certain lyrisme ; avec le trompettiste Matthias Schriefl en soliste lumineux, elle transforme ce chant patriotique de la guerre d’indépendance, concomitante à la Révolution de 1917, en un chant chaleureux et puissant où les cuivres de l’orchestre peuvent s’offrir des tutti galvanisants.
C’est le moment le plus intense et le plus directement lié au conflit dans un disque d’abord fait de nuances : « Black Sea Walk », qui clôt l’album, prend sa source sur sa rive sud et infuse sa légèreté dans la musique des Balkans ; « A Clear Moon », plus avant, offre à l’orchestre l’occasion de se laisser aller à une rêverie, de recouvrer une légèreté mise à mal par la guerre. Tout ceci est suggéré, tout comme l’insouciance de « Para Mariao » qui lui fait suite, jeu subtil entre l’orchestre et la chanteuse avec tous les attributs de l’enfance. Une désinvolture qui tranche avec la solennité de l’exercice auquel se livre l’INSO Lviv Orchestra aux côtés de Lukasheva et qui donne à l’ensemble un caractère fondamentalement humain, nécessaire en ces temps sombres.