Scènes

The Ex + Getatchew Mekuria à la Gaîté lyrique

Punk rock improvisé éthiopien à la Gaîté lyrique avec The Ex et le saxophoniste des Éthiopiques, Getatchew Mekuria.


Punk rock improvisé éthiopien à la Gaîté lyrique avec The Ex et le saxophoniste des Éthiopiques, Getatchew Mekuria.

N’était la façade, on oublierait que la Gaîté lyrique a longtemps été un théâtre spécialisé dans les opérettes, tant son relooking par la mairie de Delanoë en 2011 a été efficace : intérieur immaculé, personnel nombreux, billet d’entrée rose accompagné de son bracelet plastifié (on risquerait de perdre le billet sans doute), verres consignés au bar et buffet bio. Évidemment, les sacs sont vérifiés à l’entrée et le sas fumeur est sous contrôle. Expositions, performances, concerts… la Gaîté lyrique accueille désormais les arts numériques et les musiques actuelles (que signifient vraiment ces deux formules, d’ailleurs ?), et c’est sous ce label chantant que le groupe de punk improvisé The Ex s’y est produit le 10 juillet 2012 aux côtés d’un petit ensemble de cuivres, du saxophoniste éthiopien Getatchew Mekuria et du danseur Melaku Belay.

Programmé dans des endroits aussi divers que le Café de la Danse, les Instants chavirés ou le festival Jazz à La Villette, The Ex a depuis longtemps évacué la question : « jazz ou rock ? », et on se demande comment il se fait que certains s’étonnent encore de l’influence de ce groupe sur les musiciens de jazz — mais encore faudrait-il savoir ce que « jazz » signifie. Par rapport à l’apparente homogénéité du public de l’exposition du rez-de-chaussée, ce concert a le mérite de brasser toutes sortes de spectateurs dans tous les spectres musicaux, du plus branché au plus has been, du plus chevelu au plus collet monté, du plus brillant au plus secret. Et on comprend pourquoi le mélange prend dès les premiers accords : c’est du punk, c’est du rock, c’est du jazz, c’est aussi de la musique éthiopienne, du chant, de la poésie, de l’improvisation, de la danse enfin.

Né 1979, arrivé en France pour la première fois en 1986, The Ex est une référence majeure du rock et du punk indépendant, et a joué avec des musiciens comme Les Têtes Raides, Sonic Youth ou Tom Cora. Formation à géométrie variable selon les concerts et les projets, The Ex collabore depuis 2007 avec Getatchew Mekuria, connu pour être le saxophoniste et compositeur des Éthiopiques, une lecture de la musique traditionnelle éthiopienne au sein de laquelle il interprète au saxophone les parties habituellement réservées au chant. Le son de son instrument, chantant, mélodique et très reconnaissable, s’insère admirablement dans le jeu d’ensemble, si ce n’est que, contrairement aux autres, il semble ne jamais vouloir s’arrêter. Arpentant la scène en habits traditionnels, il prend ses solos à la manière d’un musicien de jazz, au même titre que les cuivres qui l’accompagnent : Xavier Charles à la clarinette, Ken Vandermark au saxophone baryton et à la clarinette, Brodie West au saxophone alto et Joost Buis au trombone. Avec Colin McLean à la basse, voilà le noyau dur de The Ex bien entouré.

Si tous ajoutent une pierre à l’édifice, il est très vite clair que c’est de la base que vient l’énergie punk : Terrie Hessels et Andy Moor se livrent en riant à des duels de guitare, Arnold de Boer, personnalité clownesque, joue de la trompette, dit un poème et chante un morceau, et Katherina Bornefeld est à la batterie et au chant en même temps : une performance très impressionnante au regard de sa voix puissante et entraînante.

C’est au son de ce punk rock éthiopien improvisé que danse Melaku Belay (danseur habitué des collaborations de ce genre : il a dansé avec Le Bruit du Sign sur Yebunna Seneserhat), et à sa suite une bonne partie du public ; c’est la fête, la vraie, où tout est mélangé mais rien n’est embrouillé, où l’on mange avec les yeux et boit avec les oreilles, avec des cris, des rires, des bousculades, des bons mots et de la joie.