Chronique

The Volunteered Slaves

SpaceShipOne

Olivier Temime (sax), Emmanuel Duprey (p, kb), Emmanuel Bex (org, kb), Akim Bournane (elb), Julien Charlet (dms).

Label / Distribution : Day After Music

Cinquième rendez-vous discographique [1] pour la bande à Olivier Temime et l’idée, aussi, d’une rentrée musicale mise sur orbite. Pendant que son collègue Thomas de Pourquery effectue un aller-retour supersonique sur la Lune, l’Aixois embarque de son côté tout son petit monde dans l’espace pour un voyage vivement recommandé, beaucoup moins dispendieux que ceux qu’organisent une poignée d’hurluberlus depuis quelque temps. Parce qu’il faut le dire et le redire si besoin, on se sent bien, très à l’aise même, au centre de ce tourbillon, sorte de grand huit heureux qui prend la forme d’une fusion harmonieuse de jazz et de funk. Ainsi chacun peut suivre sans encombre le chemin vers de grands espaces où l’énergie circule à grande vitesse. Ce carburant d’une irréprochable efficacité vaut tout autant pour les compositions à rythme élevé, qui vous donnent envie de vous lever et de danser, que pour quelques ballades en apesanteur, pauses nécessaires avant un nouvel envol. Telle cette « Laika », en hommage au premier chien de l’espace lors de l’expédition Spoutnik 2, qui sonne un peu comme un clin d’œil mélodique à « Naima »… Ou bien encore « You » et son chant synthétique, évanescent.

Si la recette de SpaceShipOne est simple en apparence – au sens où cette musique du beat semble vouloir filer droit au but, ce dernier étant sans nul doute le cœur – il faut néanmoins qu’elle soit imaginée par des experts en la matière et c’est bien le cas : une rythmique sans faille, qui tourne comme une horloge – céleste, bien sûr mais qu’importe l’heure, ici il n’y a ni jour ni nuit, juste un temps poétique qui s’étire de façon très sensuelle ; on aimerait qu’il n’arrête jamais sa course – réglée avec la précision du métronome par la paire (originelle) Akim Bournane à la basse et Julien Charlet à la batterie ; un autre duo, de claviers celui-là, mis en couleurs façon arc-en-ciel par Emmanuel Bex et Emmanuel Duprey, deux experts qui s’entendent à merveille – et pas seulement parce qu’ils portent le même prénom et sont natifs de Caen – pour enluminer la stratosphère de mille nuances à grand renfort d’orgue et de synthétiseurs vaporeux. On devine que cette architecture complexe, aux textures enrichies par le travail de Vincent Artaud, est propice au décollage du saxophoniste dont le lyrisme trouve ici, au soprano comme au ténor, un terrain de jeu – une piste d’envol assurément – synonyme tout autant d’évasion que d’engagement physique dans une musique dont les élans célestes ne masquent jamais la dimension charnelle.

En ces temps troubles de pandémie et de réchauffement climatique, il n’est jamais superflu de rappeler qu’une présence humaine peut aussi être symbole de générosité et de vibration positive. SpaceShipOne en est la preuve revigorante vers laquelle on peut revenir aussi souvent que nécessaire !

par Denis Desassis // Publié le 12 septembre 2021
P.-S. :

[1Après Streetwise (2005), Breakfast in Babylone (2009), The Day After (2012) et Ripcord (2017).