Sur la platine

Tiens ! les bourgeons éclatent…

En 1978 paraît Tiens ! Les bourgeons éclatent… du Workshop de Lyon


En 1978, lorsque paraît Tiens ! Les bourgeons éclatent… du Workshop de Lyon, il s’agit de la mue définitive du Free Jazz Workshop, entérinée par la disparition du piano de Patrick Vollat. Avec Louis Sclavis et Maurice Merle, ce sont les soufflants qui prennent un pouvoir qu’ils ne réclament absolument pas dans un contexte très libertaire.

L’influence du free étasunien est encore fort présent, mais dans un morceau comme « Duchesne Père et Fils », on découvre à quel point l’improvisation européenne a déjà fait du chemin. Les tambours de Christian Rollet, gonflés par des musiques traditionnelles venant de tous les vents, mais aussi les cris théâtralisés de Jean Bolcato, impérial à la contrebasse, rappellent que le spectacle n’est pas qu’instrumental. Le disque est un happening permanent, une arme de curiosité massive qui fouine, se cogne, se marre et ne s’imagine qu’en chantier perpétuel qui n’oublie rien des origines mais n’en fait pas un totem (« Nobody Knows When You Are Down And Out »).

Pour les cinquante ans de ce groupe, beaucoup de ressorties d’albums des années 70 sont l’occasion, pour les plus jeunes, de découvrir cet orchestre mythique et pourtant trop méconnu. Il fut le creuset de l’ARFI, qui fête ses quarante ans. Il a changé de musiciens au fil du temps - le regretté Jean Aussanaire était de la dernière mouture en date - sans jamais perdre son âme ni sa titanesque base rythmique Bolcato/Rollet. Un joli coffret a récemment été publié, mais il est des œuvres que l’on se plaît à écouter en vinyle, ce que le disquaire parisien Le Souffle Continu propose en réédition. La pochette est entièrement respectée, avec les photographies de Bernard Mandin qui évoquent un peu le Let It Be des Beatles en version chamboulée et plus proche des paysans du Larzac (« Chant pour les 103 du Plateau ») que pour les gourous du Madhya Pradesh.

Le pressage du vinyle permet d’apprécier la complicité des solistes, à commencer pour Bolcato et Louis Sclavis sur « Je cherche une enveloppe » au début d’une seconde face explosive. Conçu pour les amoureux de l’objet-disque, ce 33 tours est également un beau témoignage de la vitalité et de l’intemporalité de cette musique.

Les bourgeons ont éclaté et ont semé de nouvelles graines qui ont mis en germe la fructueuse scène hexagonale actuelle.