Chronique

Vincent Courtois

L’imprévu

Vincent Courtois (cello)

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Si l’œuvre en solo est une introspection, le voyage intérieur de Vincent Courtois révèle des contrées inexplorées, emplies de paysages paisibles qui se détaillent à perte de vue et dont la cohérence tient lieu d’agencement. Concocté dans les studios de La Buissonne et sorti sur le label du même nom, L’imprévu n’est pas une musique de solitaire, quand bien même elle reflèterait l’âme du violoncelliste. Elle est avant tout le fruit d’une collaboration fructueuse avec Gérard de Haro dont l’importance et l’influence dans la profondeur du son et dans la qualité du grain sonore doivent être ici encore affirmées avec force. Dans chaque note de L’imprévu, dans la poésie limpide qui s’écoule tout le long de l’album s’esquisse un désir d’accomplir un dessein commun. L’imprévu est une rencontre entre ces deux-là, l’un aidant l’autre à parler de lui-même.

Depuis Rose Manivelle, on savait Courtois friand de contes explorés par la musique. Le timbre chaleureux et caressant de son violoncelle nous narre mezzo voce quelques histoires à fleur d’archet qui vont de beautés sombres (« Sensuel et perdu ») en envolées lumineuses (« Skins »). Chaque pièce est conçue comme un court portrait, le reflet d’une émotion indicible sur un registre parfois minimaliste, portant le trouble en peu de notes et pesant le poids d’un silence devenu musical. Pour donner de la densité et de la profondeur à ses clair-obscurs (la mélodie entêtante de « Couldn’t Imagine It »), Courtois utilise beaucoup le re-recording. Il sait également, en quelques pizzicati frêles, engendrer un groove spartiate étrangement tendu (le superbe « Smoking »), qui sonne comme un vague à l’âme.

Très écrites, ces pièces permettent à Courtois (« La visite » est signée Louis Sclavis) de chercher la simplicité et le voyage amoureux dans les strates de ses influences. Parmi tant d’autres, on citera Ligeti, dont on perçoit un souffle dans la noirceur de « Colonne sans fin » ou dans « L’imprévue », qui clôt l’album tel un condensé, un carnet de voyage. Fuyant avec légèreté les « classiques » du violoncelle soliste, on pénètre subrepticement dans un subtil jardin secret où se croisent Hindemith et Sculthorpe comme autant d’échappées belles. Et si c’était cela, L’imprévu ?