Chronique

Vincent Peirani

Gunung Sebatu

Vincent Peirani (acc), Vincent Lê Quang (ss), Sylvain Luc (g), Serena Fisseau (voc)

Label / Distribution : Zig-Zag Territoires

Les onze thèmes poétiques proposés ici par l’accordéoniste Vincent Peirani en collaboration avec le saxophoniste Vincent Lê Quang et, ici et là, le remarquable guitariste Sylvain Luc, est un lumineux témoignage d’errance et d’amitié. L’ouverture tous azimuts à une musique libre comme l’air leur permet de courir tantôt sous la lumière fébrile des lampions vacillants d’un musette nostalgique (« Truc’Muche », qui ouvre l’album), tantôt à la recherche d’une mélodie balinaise glanée par un coeur qu’exalte le voyage.

C’est le cas de « Gunung Sebatu », qui donne donc son titre à cet album ; cette belle et tendre évocation de Sebatu - un village de Bali entre mer et rizière - permet à Serena Fisseau [1] de remuer avec douceur la sensibilité d’un thème à fleur de peau. Cette délicatesse des compositions et leur appartenance nomade à des paysages fantasmés imprègne le disque d’une subtile essence.

La spontanéité comme la diversité des thèmes se sont forgées dans les improvisations intimistes de coulisses, sans virtuosité mal placée mais avec une jubilation évidente, dans les périodes d’attente, notamment à l’époque du bel Air Libre de Muvien, Céléa et Humair… Ce sont ces rencontres, et la notion d’échange qui s’y rattache, qui fondent cette musique « du monde », au sens où elle voyage librement, sans contingences.

Il y a dans Gunung Sebatu toute la poésie des moments volés — voir l’atmosphère duveteuse de la « Ballade en ré bémol », qui permet d’apprécier la profondeur du son de Lê Quang au soprano, ou l’espièglerie presqu’enfantine d’« Anataule ondulée », lorsque Peirani et son saxophoniste jouent à cache-cache dans une course-poursuite effrénée avec le rythme. Un rythme que l’on retrouve au détour d’une visite dilettante dans les modes et cycles indiens sur la très belle « Untitled Suite ». Ivre de voyage et de couleurs contrastées, Gunung Sebatu s’offre quelques moments suspendus de poésie vagabonde, de lâcher-prise qui vous transportent dans l’univers des deux comparses, lesquels prennent un indéniable plaisir à en donner les clés. Une délicieuse traversée sans boussole.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 mai 2010

[1Cette jeune chanteuse d’origine indonésienne croise la route de Vincent Peirani dans le quintet Secantaflo, avec notamment le saxophoniste Fred Gastard.