Portrait

Virginie Daïdé in a tenor mood

Portrait de la saxophoniste ténor Virginie Daïdé.


Virginie Daïdé D.R.

Le nom de Virginie Daïdé ne parle pas (encore) au grand public, mais celles et ceux qui suivent l’actualité du jazz ont très certainement croisé son nom. Portrait de cette saxophoniste ténor qui petit à petit fait sa place sur la scène jazz.

Quand on croise Virginie Daïdé lors du festival Jazz en Comminges, on perçoit d’abord quelqu’un de très abordable et chaleureux. Les choses sont simples. Elle dit qu’elle est du coin - elle a habité Revel dans le Lauragais - et apprécier le soleil et le ciel bleu plus précoces qu’à Paris. Reste que si elle a fait ses débuts de saxophoniste entre l’école de musique de Balma et dans des cours particuliers à Toulouse, auprès notamment de Philippe Lecocq, c’est à Paris que le virus du jazz l’a touchée. Elle a d’abord fait ses découvertes musicales avec la variété des années 1990 où le saxophone avait une place non négligeable et si elle a eu, parmi ses professeurs, David Pautric et a travaillé avec Ferdinand Doumerc, les jazzmen de la scène toulousaine ne lui sont pas particulièrement familiers.

Le jazz, elle tombe dedans à Paris quand elle quitte le sud-ouest pour finir ses études de droit. Et, de clubs en jam sessions, elle découvre un univers musical qu’elle va définitivement investir. En parallèle, elle prend des cours au conservatoire du IXe arrondissement avec André Villéger puis dans celui d’Aubervilliers-La Courneuve avec Pierre-Olivier Govin. Elle abandonne l’alto qui était alors son instrument de prédilection pour le ténor. Car parallèlement, elle a relevé des chorus de grands saxophonistes ténors, John Coltrane, Sonny Rollins, Hank Mobley et Joe Lovano notamment. La découverte de ce saxophone est donc fondamentale, même si elle continue à jouer du soprano et du baryton et qu’elle écoute tout ce qu’elle peut parmi les saxophonistes quelle que soit la hauteur de leur instrument.

Virginie Daïdé D.R.

Dans ce parcours que finalement rien ne prédestinait à une telle issue, il y eut deux albums.

Le premier est intitulé très explicitement Dream Jobim feat Tom Harrell. Virginie Daïdé s’est, bien entendu, nourrie des standards du jazz et c’est ainsi qu’elle a consacré un album à Antonio Carlos Jobim, signe d’ailleurs que nombreuses musiques brésiliennes émargent tout naturellement au Real Book. On suppose aussi que sa participation au trio du guitariste et chanteur Léo Cruz a contribué à son appétence pour la musique brésilienne. Reste que le disque fut publié quelques semaines seulement avant le confinement et n’exista que le temps de deux concerts, témoignage supplémentaire de l’incidence de la Covid dans la vie culturelle.

Le suivant, qu’elle jouait sur la scène de Saint-Gaudens quand nous l’avons rencontrée, fut l’occasion d’un pas supplémentaire, celui de l’écriture. Car reprendre, même arrangées, des compositions existantes est une chose. Créer et faire vivre sa propre musique en est une autre. Moods, qui en est le produit fini, est composé d’autant de « tableaux d’humeur » qu’il y a de morceaux. Et il faut croire qu’écrire n’est pas une parenthèse puisqu’elle s’apprête à publier While We Are Strolling, un disque enregistré, comme le précédent, en quartet et qu’elle a conçu en grande partie sur son vélo au gré de ses déplacements parisiens, enregistreur à la main. Un album de mobilité douce en somme. Reste que, indépendamment de l’anecdote, ce n’est pas sans incidence sur la nature de sa musique. Elle pointe l’influence de ce qu’elle voit tandis qu’elle pédale. Elle nous dit aussi que le rythme de déplacement est une forme de groove et on comprend comment la composition peut porter les germes de ce groove inattendu.

On saisit aussi que la configuration en quartet n’est pas anodine puisque c’est son choix tant pour Moods que pour While We Are Strolling. Quand on lui pose la question, elle répond qu’elle a le sentiment, en tant que soliste principale, de ne pas pouvoir se cacher derrière d’autres musiciens et que cette exposition nécessite de jouer exactement ce qu’elle est.