Scènes

Vous avez dit silence ? (1)

Vincent Courtois Quartet « What do you mean by silence ? » le 21 janvier 2009 au Théâtre de St Quentin-en-Yvelines


Qu’entendez-vous par silence ? Par égard pour ceux qui connaissent l’histoire du disque, on évitera de s’étendre sur le dialogue - spirituel et hautement musical - de Vincent Courtois et John Greaves. Ceux qui ont manqué les épisodes précédents trouveront un efficace cours de rattrapage sur Youtube grâce à la caméra d’Hervé Jakubowicz.

Depuis l’album, un changement : le tromboniste Yves Robert a succédé à Marc Baron. Chez lui comme chez ses compagnons, nulle horror vacui. Nul besoin compulsif de remplir le temps. Il pose ses notes là où elles ont besoin d’être. Et quand il joue, c’est de tous les sons du trombone, « beaux » ou « pas beaux », arrondis ou pointus, tranchants, grouillants. De l’inattendu, aussi, comme le grincement de ses semelles sur les planches, et le silence du trio surpris est une gestation d’autre chose, imprévu.

V. Courtois © H. Collon/Vues sur Scènes

Il faut entendre - et voir- ces musiciens s’écouter, s’attendre, partir ensemble dans des flots de sons (ou de sens, il n’y a qu’une voyelle de différence) puis reprendre terre, souffle. Laisser renaître le besoin de musique.

Ne demandez pas à Vincent Courtois pourquoi il joue seulement du violoncelle, c’est évident : c’est parce que son violoncelle est aussi contrebasse, percussion, guitare électrique distordue. Peut-être autre chose encore. Capable de sonner comme Jimi Hendrix sur un ground venu tout droit du baroque anglais, comme Pau Casals dans une walking bass des plus carrées… dans « Between The Bliss and Me » la sauce monte, on s’attend à voir exploser le riff de « Whole Lotta Love » mais non, silence, pizzicati, voix de Jeanne.

J. Added © H. Collon/Vues sur Scènes

Jeanne Added qui chante comme une musicienne, pas comme une cabotine. Aucune affectation. Une voix droite, franche, légèrement voilée, avec ses ports de voix légèrement par en-dessous comme une attaque d’archet, son legato un tout petit peu traînant et ce timbre « sans sucre ajouté » qui signent toutes ses apparitions. Des qualités de compositrice, aussi : « I carry your heart with me » [1] est une pure merveille de fragilité diaphane, une déchirure discrète, précieuse.

L’écoute, maître mot de ce quartet : la disponibilité de chaque musicien - même quand ils semblent absorbés par leurs machines à loops et leurs samplers - vis-à-vis des trois autres et à de musique qui se forme entre eux. François Merville l’illustre parfaitement. Toujours en mouvement, en recherche (sons MIDI, boucles superposées, percussions diverses, batterie) et en même temps, totalement présent à ce qui se passe, on le voit littéralement vivre ce que jouent ses complices, allier d’évidentes qualités de drive à des claudications qui laissent à nu la voix, le cuivre ou les cordes, et trouver le son qu’il faut pour suggérer la brisure ou la fureur, le calme.

Qu’entendez-vous par « silence » ?

par Diane Gastellu // Publié le 9 mars 2009

[1sur un poème d’e. e. cummings