
Voyager 3
Benjamin Garson (g), Victor Maisonneuve (ts), Emile Rameau (d) + Jozef Dumoulin (kb)
Label / Distribution : Onze heures onze
Cosmique et forcément spectrale, la musique de Voyager 3 a la tête dans les étoiles. Portée par trois jeunes pousses du jazz hexagonal, parmi lesquelles le guitariste Benjamin Garson qui nous avait déjà étonnés pour son goût du voyage, Voyager 3 a tout de la mission exploratrice. Avec Jozef Dumoulin en guide patient présent sur quelques morceaux, notamment « Tu deviendras poussière, Wayne », le trio explore l’abstraction des sons électriques et les paysages désertiques d’une planète en pleine révolution. Si le trait principal de Voyager 3 est le contraste entre l’électricité en apesanteur de Garson face aux nappes du saxophone de Victor Maisonneuve, il doit beaucoup à la batterie d’Émile Rameau, beaucoup moins chaotique et exacerbée que dans son duo Carton Rouge. Le résultat est, de fait, beaucoup plus planant. L’urgence de la batterie se fait diffuse, jusqu’à disparaître parfois dans un élan capiteux du clavier.
Ne pas croire cependant que le voyage spatial est une longue trajectoire sans heurt : « Étude E » est ainsi une lente traversée d’une zone de turbulences qui commence sur la batterie pour gagner la guitare, avec une lente avancée du chaos ; le rôle de Dumoulin dans le morceau-titre « Voyager 3 » est également crucial. Son travail en solo est une influence majeure et durable pour ce trio en orbite autour d’une étoile à la lumière froide mais intense (« Choral n°357 »). Elle est présente à chaque instant, selon des racines communes avec le collectif Onze Heures Onze qui héberge l’orchestre sur son label.
Avec une esthétique de pochette qui ne va pas sans rappeler le chef-d’œuvre de Kubrick 2001, l’odyssée de l’espace, les fleurs au milieu de la capsule spatiale symbolisant une vivacité fragile au milieu d’une neutralité de façade, Voyager 3 réussit son pari, celui d’évoquer la froideur hostile du vide sidéral sans rien perdre de la chaleur et du mouvement de leur propos. Le disque, bien qu’assez court, traduit idéalement la direction prise par ces musiciens et leur volonté de rendre hommage à un environnement musical très onirique.