Entretien

Valentin Ceccaldi, un air de famille

Dans la famille Ceccaldi, il y a foule de musiciens. On connaissait bien sûr les deux frères, qui illuminent nos musiques depuis des années. Et voici donc le père, que les plus pointus des auditeurs auront déjà identifié comme un compositeur renommé pour le théâtre et le spectacle vivant. Avec Constantine, cadeau pour les 60 ans paternels, les deux frangins rentrent dans l’intime ; une spécialité des musiciens du Tricollectif, après le magnifique Garibaldi Plop de Roberto Negro. Dans Constantine, on retrouve les deux personnalités tranchées de la fratrie Ceccaldi : Théo, le violoniste, est sans doute celui qui a le plus vite fait sa place dans le paysage, notamment grâce à son passage à l’ONJ et à un caractère sans doute plus extraverti. Et puis Valentin, plus taiseux et discret, mais à l’univers très onirique et sensuel, ce que l’on a pu découvrir dès Marcel et Solange, premier vrai contact avec la discographie du Tricollectif. Rencontre avec ce violoncelliste secret mais très créatif, qui sort avec Ossos son premier solo.

- Comme Constantine parle de la famille, on va commencer par une question familiale : pourquoi le violoncelle et pas le violon ?

Une sorte de hasard du destin, avant de faire du violoncelle je faisais de la batterie mais il n’y avait plus de places dans la classe de percussions à mon entrée au conservatoire. Le violoncelle était mon deuxième choix, je ne me souviens pas vraiment pourquoi, sûrement l’importance des cordes dans la famille.
En y réfléchissant je crois que j’aime l’idée d’avoir choisi inconsciemment un instrument qui se plante dans la terre.

Valentin Ceccaldi (c) Christophe Charpenel

- Il y a dans de nombreux pans de votre musique un intérêt constant pour le rock et les musiques dites « populaires ». N’est-ce pas un peu divergent de l’idée du violoncelle ? Est-ce que c’est ce qui a motivé la création de l’horizoncelle ?

En effet le violoncelle et son apprentissage ne nous amènent pas directement au cœur des musiques amplifiées, mais j’ai eu la chance de pratiquer/écouter assez tôt pas mal de musiques différentes. Grâce à beaucoup de rencontres fondamentales dans ma construction de musicien, je ne distingue pas bien les frontières entre les styles et le côté « populaire » ou non d’une musique. Ça me va bien.
Il y a quelques années j’avais envie d’avoir un instrument électrique. C’est une belle rencontre avec le luthier François Vendramini qui a fait naître l’horizoncelle.

je crois que j’aime l’idée d’avoir choisi inconsciemment un instrument qui se plante dans la terre.

- Comment est venue l’idée de Constantine ? Et pourquoi avoir fait appel à autant d’invités ? Comment votre papa a reçu le cadeau ?

L’idée de départ de Constantine était de se réapproprier avec Théo certaines compositions de notre papa, de les enregistrer et de lui offrir cet enregistrement pour ses 60 ans. 
Rapidement nous avons eu envie d’y ajouter la famille du Tricollectif en guise de propulseur sonique, puis tous ces magnifiques invités, comme un cerisier sur le gâteau.
La première écoute de Constantine a été très émouvante. Un précieux moment de famille.

- Etait-ce possible d’échapper à la musique dans la famille Ceccaldi ?

Effectivement ce n’était pas facile d’y échapper mais notre sœur fait des études de psychologie donc je dirais que oui. 
Cependant, j’ai l’impression que personne n’échappe vraiment à la musique.

Valentin Ceccaldi, (c) Michael Parque

- Vous faites partie du célèbre Tricollectif, qu’est-ce que ça représente pour vous ?

Ça représente énormément.
Je crois profondément en ce genre de longues relations dans la musique et dans la vie en général d’ailleurs. On se connait par cœur et ça permet l’impossible.

- On a le sentiment que le collectif s’est un peu dilué ces derniers mois, au profit des individualités et des projets tiers. Est-ce inéluctable ?

Je ne crois pas que le Tricollectif se soit dilué même si, en effet, nous sommes moins visibles en tant que collectif actuellement, surtout depuis la fin de notre festival « Les Soirées Tricot ». 
Il est certain que le disque Constantine, même s’il n’est pas signé Tricollectif, n’aurait jamais pu se faire sans cette énergie collective.
Aussi, nous sortons tout juste d’un très bel événement à Coimbra avec nos amis de Jazz ao Centro et il y a pas mal de choses en préparation. Nous avons enregistré un disque laboratoire collectif en mai qui devrait sortir courant 2021 mais surtout nous allons porter la création scénique du spectacle Constantine avec le Tricollectif (premières dates le 6 février 2021 à la Maison de la Musique de Nanterre et le 14 février à la Scène Nationale d’Orléans).

- Est-ce que justement Constantine est une remobilisation de l’esprit Tricollectif, avec les musiciens centraux du collectif ? Est-ce que le souvenir et la filiation sont des marqueurs du Trico ? On pense à Garibaldi Plop, notamment... ou même à Marcel et Solange...

Il est vrai que la filiation et le souvenir sont des thèmes récurrents au sein du Tricollectif avec le projet Lucienne Boyer, Garibaldi Plop, Petite Moutarde, Machaut... À mon avis cela fait partie des grandes questions de l’humain et c’est vrai qu’on peut avoir occasionnellement une tendance lyrique-nostalgique. 
Petit point code de la route : il est toujours plus prudent de regarder dans le rétro avant de doubler.

- Par ailleurs, vous publiez Ossos, un premier solo. Quelle en a été l’envie ?

Ossos s’est réalisé il y a 3 ans à la suite d’une invitation du guitariste Marcelo Dos Reis qui dirige le label Cipsela Records. Je n’ai pas vraiment de pratique du violoncelle en solo et je ne tends pas vraiment à développer cette pratique mais j’ai eu envie de saisir cette opportunité pour essayer d’aller chercher l’essence d’un son, de mon son avec mon instrument, de rogner tout le superflu pour aller à l’os, nu. Je suis très fier d’avoir fait ça avec Marcelo et de faire partie de son magnifique catalogue.

Petit point code de la route : il est toujours plus prudent de regarder dans le rétro avant de doubler.

- De In Love With à God at the Casino, vous travaillez beaucoup avec Sylvain Darrifourcq. Est-ce que Ossos découle dans une même approche du son comme point central de votre improvisation ?

Sylvain Darrifourcq a été, est et restera déterminant dans mon approche de la musique. J’ai l’impression qu’on partage ce besoin profond d’inventer des musiques qui parlent autant au corps qu’à l’esprit. Dans le solo, l’axe que j’ai choisi ne découle pas directement du travail que l’on fait avec Sylvain mais sans cette histoire commune je n’aurais sûrement pas resserré autant mon propos.

- On vous sait proche de Joëlle Léandre, quelle a été son influence pour ce solo ?

 Je répondrai par une citation de Joëlle : « PLAY YOUR SHIT ! »

- Quels sont vos projets à venir ?

C’est une période pas simple pour se projeter dans l’avenir mais si les choses prévues se réalisent, alors les prochains mois seront animés par différentes créations (CONSTANTINE, PAPIER CISEAU, KUTU) mais aussi de belles tournées avec DJANGO, avec Manu Hermia et Sylvain ou avec LENT. J’espère grandement que 2021 sera moins anxiogène que 2020 et que nous pourrons tous profiter pleinement du grand retour des bisous.