Weber Iago Quartet + Strings en concert
Compte rendu d’un concert à Bruxelles le 18/02/2004
Weber Iago (p), Pierre Bernard (fl), Henri Greindl (b, el b), Tonio Reina (d, perc), Dirk Van de Moortel (vln), Isabelle Chardon (vln), Philippe Allard (viole), Eric Chardon (cello)
- © Jos L. Knaepen
Le pianiste brésilien Weber Iago est devenu un visiteur fréquent en Belgique : il en est à son sixième voyage et à son deuxième album sur le label Mogno. C’est justement la sortie de Spring Will Stay Here qui est célébrée dans l’étrange salle du Bouche-à-Oreille, avec tous les musiciens de l’album (on saura que les musiciens du quatuor de cordes sont les mêmes parce qu’Iago lira leurs noms du dos de la pochette).
Origine oblige, la musique d’Iago est brésilienne, fortement teintée de jazz et de musique classique.
Les cinq premiers morceaux passent sans faire grand effet : la musique, assez jolie sans être belle, déploie des rythmes sur-raffinés au point d’être presque dénués de substance. Iago évite studieusement tout mauvais goût, mais les thèmes au débit trop régulier laissent peu d’espace pour respirer, se souvenir, chanter. De plus, le quartet manque d’interactivité : la rythmique est posée de manière assez inflexible et personne ne pousse ses partenaires à prendre des risques. Par exemple, quelques codas plus ouverts et dynamiques sont abandonnés rapidement. Tout de même, Pierre Bernard impressionne : plus connu dans le milieu des musiques improvisées, dans ce contexte plus rigide il est clair, tranchant et agile sur ses trois flûtes traversières (normale, alto et basse).
Juste au moment où le côté soporifique semble prendre le dessus, Iago se lance en solo, avec des arpèges rapides dans le registre grave qui soutiennent une mélodie expressive. Après quelques minutes, Henri Greindl le rejoint pour rendre explicites les accords, plus orientés jazz que précédemment, sur lesquels Iago improvise. Soudain, la musique s’épaissit, ce qui était joli devient beau et le public redouble d’applaudissements. Quand, sur le morceau suivant, le quartet revient à un rythme brésilien, c’est avec une verve et un élan nouveaux.
Le quatuor à cordes fait alors son entrée et la musique devient beaucoup plus composée. Si le premier morceau à cinq (le quatuor plus la contrebasse de Greindl) péchait par excès de mélodrame, le second est une lamentation d’une tristesse sans fond, avec un motif particulièrement efficace énoncé sotto voce par le premier violon, puis repris par le violoncelle. Quand l’octet joue au complet, l’ambiance s’allège, mais le morceau a déjà fait son effet.
En choississant d’interpréter « Memoria e Fado » d’Egberto Gismonti, Iago fait un choix à la fois logique et risqué. Logique car Gismonti a porté la fusion de musiques brésiliennes, composées et improvisées à un très haut niveau. Risqué parce que le leader pourrait souffrir de la comparaison. Le titre de la composition de Gismonti est parfaitement choisi et exprime une nostalgie profonde avec une délicatesse infinie. Iago reprend le concert en main et le clôture en changeant radicalement de direction avec un morceau où une figure grave, rapide et percussive se transforme lentement en un legato plus expressif et développé harmoniquement, en soutien à la flûte basse de Bernard.