Chronique

Marc Ducret

Lady M

Marc Ducret poursuit son travail sur les interactions entre musique, écriture et livre avec Lady M, une adaptation magistrale de Macbeth de William Shakespeare. À la tête d’une formation de neuf musiciens complétée par deux chanteurs lyriques (la soprane Léa Trommenschlager et le contre-ténor Rodrigo Ferreira), il s’attarde sur quelques moments clés de cette pièce dans laquelle le personnage tourmenté de Lady Macbeth pousse son époux à commettre un régicide et en porte définitivement la culpabilité.

Le programme traverse par trois fois les mêmes situations textuelles, qu’il visite sous des angles différents. Lors du premier temps, le contre-ténor est sollicité tandis que le second est dévolu à la soprane, les deux s’unissant sur le troisième pour proposer une conclusion. Les multiples variations permettent de nuancer ou d’éclairer différemment les fragments écrits. Portés par une musique d’une efficacité redoutable, subtile autant que martiale et qui ne se contente pas d’habiller le seul sens des mots, l’ensemble forme un tout homogène et progresse dans une profusion de motifs entremêlés qui se font écho à coups de rimes sonores.

Jouant également d’associations timbrales qui ouvrent large la palette des ressentis (mélancolie, remords, colère, inquiétude, peur), les individualités sont entièrement au service de ce vaste projet auquel elles insufflent une félinité qui confère à l’histoire son tragique et aussi sa sensualité. La trompette de Sylvain Bardiau notamment, de même que le violon de Régis Huby, font entendre leur clameur mais il ne faut pas négliger pour autant les autres partenaires. De manière plus resserrée, ils dressent des tableaux prégnants et nourris à toutes les esthétiques avec virtuosité et un esprit de synthèse significatif. La puissance du chant lyrique, loin de l’anachronisme qu’on aurait pu y voir, trouve sa place dans la partition et lui apporte un supplément de puissance ainsi qu’une douloureuse et sublime incarnation.

Marc Ducret opère à l’instar d’un metteur en scène. Impliqué, en coloriste ou excitateur, il cadre par ses propositions un propos formellement abouti et pousse un peu plus loin encore l’envol de son orchestre. Aussi déroutant que touchant son but, servi par l’impeccable prise de son de Céline Grangey, ce disque est une nouvelle pierre ajoutée à l’édifice qu’il construit patiemment en travaillant une fois de plus l’articulation entre le langage unique qui est désormais le sien et une intériorité artistique qui n’en finit pas de s’épanouir devant nous.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 19 mai 2019
P.-S. :

Marc Ducret (guitares, composition), Léa Trommenschlager (soprane), Rodrigo Ferreira (contre-ténor), Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Régis Huby (violon, violon ténor), Liudas Mockunas (saxophones, clarinette contrebasse), Samuel Blaser (trombone), Bruno Ducret (violoncelle), Joachim Florent (contrebasse, basse électrique), Sylvain Darrifourcq (batterie, percussions)