Chronique

Achim Kaufmann & Gebhard Ullmann

Geode

Achim Kaufmann (p), Gebhard Ullmann (ts, bcl)

Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il aura fallu attendre 2016 pour que le pianiste Achim Kaufmann et le multianchiste Gebhard Ullmann sortent un disque ensemble. Le spécialiste de la clarinette basse arpente depuis trente ans la scène improvisée européenne, et Kaufmann a fait parler de lui dès le début du siècle ; pourtant, malgré des alliances communes (à commencer par le batteur Christian Lillinger), c’est la chanteuse Almut Kühne qui les a réunis avec Marbrakeys sur le label Leo Records, auquel Achim Kaufmann est fidèle.

Cristallisation immédiate. C’était l’évidence sur cet album, où les deux musiciens improvisaient avec une opiniâtreté et une retenue qui s’épargnait toute algarade inutile. Mais à chaque rencontre, il faut un préalable  : un pas l’un vers l’autre, quelques effleurements fugaces… Un round d’observation. Voilà ce qui a donné naissance à Geode, libre réunion sans filet mise en boîte en juillet 2013, une journée avant le trio avec Kühne. Mais il n’aura pas fallu longtemps pour reconnaître un langage commun et diversifié. Les morceaux sont courts, mais dégagent deux tendances qui définissent la matière  : le saxophone ténor, plus abrupte et lancinant, pousse le pianiste à un jeu minéral, percussif mais dénué d’agressivité (« Roadsides Verges  »). A l’inverse, lorsque Ullmann retrouve sa chère clarinette basse, le jeu se pare de couleurs abstraites et chaleureuses (« Fleckgeist  ») qui peuvent même se faire impressionnistes et évanescentes (« Lightly Enticed  ») lorsque Kaufmann étouffe les cordes de son piano préparé.

Le titre renvoie à un terme de géologie. La géode, c’est le cœur de la pierre, son noyau translucide et coloré qui se planque sous la rocaille ; pus qu’une métaphore de cette rencontre, c’est le sentiment que l’on a lorsqu’on se plonge dans la multitude de sons de « Bone, Gristle and Quartz  ». Entre les claquements d’anches et les tintements en provenance de chaque parcelle du piano, juste avant « Jasper Ax  » et un solo énigmatique d’Ullmann, on assiste à une fusion des profondeurs. Un rendez-vous sans surprise mais marqué par le talent.