Chronique

Alexander Hawkins Trio

Carnival Celestial

Alexander Hawkins (p, clavier), Neil Charles (cb), Stephen Davis (dms)

Label / Distribution : Intakt Records

Pour qui suit la discographie d’Alexander Hawkins chez Intakt ces dernières années, ce trio pourrait sembler être une nouvelle proposition orchestrale. Il n’en est rien, cependant : Hawkins donne ici toute sa visibilité à une configuration qui l’occupe depuis quelque temps maintenant et avec laquelle il a construit les fondations de groupes plus étendus. On songe bien évidemment au quartet aux côtés de la vocaliste Elaine Mitchener ou encore au sextet Mirror Canon, créé en 2022.

Sur le papier, on pourrait craindre un énième trio piano, de ceux qui saturent l’histoire de cette musique. Ce serait compter sans la créativité permanente du pianiste qui, en compagnie de Neil Charles, à la basse, et Stephen Davis à la batterie, propose un projet en lien avec d’autres de ses recherches : une musique qui fait des fondamentaux du jazz et de l’improvisation une donne première, à mêler à une proposition toute contemporaine.

Il y a en effet, ici, une volonté de sonner de manière actuelle en refusant de cantonner chacune des voix aux fonctions qui lui sont traditionnellement dévolues. La rythmique est particulièrement resserrée mais son approche déconstruite en fait une base profonde et instable, génératrice d’une série d’heureux accidents qui sont autant de stimulations pour le clavier.

De son côté, entre une main gauche martiale (pas Solal, quoique…) tendue à souhait et une droite loquace et adepte de dissonances stimulantes, le pianiste déploie un son à l’amplitude large qui s’épaissit parfois lorsque les deux mains avancent conjointement sur des lignes parallèles. Le synthétiseur, par ailleurs, crée une diversité d’ambiances qui dessinent des climats aux couleurs anthracite.

Parcourant en une dizaine de titres une cartographie des possibles, le trio invente son propre territoire fait d’aspérités, d’instants intrigants qui jalonnent une dramaturgie par ailleurs complexe. En émergent ponctuellement des embrasements abstraits qui emportent la formation vers des moments intenses où l’interaction tourne à plein régime. 

par Nicolas Dourlhès // Publié le 9 juillet 2023
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