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Edition du 28 avril 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Appel à contributions : Les lieux du jazz en Europe au XXIe siècle

Nouveau numéro de la revue Epistrophy

La revue Epistrophy publie un nouvel appel à contribution
(date de rendu le 09 février 2024).


Tout au long de l’histoire du jazz, la rapide succession des styles et des courants est indissociable d’une mutation des lieux et des contextes de diffusion, qui informent en permanence ce qui peut et doit être joué, par qui, pour qui et comment. L’existence d’un centre, les États-Unis, et d’une périphérie, le reste du monde, est largement remise en question dans les productions musicales comme dans les recherches sur le champ jazzistique, même pour les périodes les plus anciennes. Il est également nécessaire d’envisager la grande variété des lieux, les représentations qui y sont associées et les rapports qu’ils entretiennent entre eux : dancings, clubs, festivals, studios d’enregistrement, écoles, etc.

Il est commun de confondre la notion d’espace avec celle du lieu, de l’endroit, de l’étendue ou du territoire. Bien que ces termes ne définissent pas une même réalité, ils renvoient à une catégorisation de l’ordre de l’espace et sont donc complémentaires. Ici, le « lieu » peut à la fois faire référence à une portion déterminée de l’espace, considérée de façon générale et abstraite pouvant être ponctuelle ou limitée par des bornes (matérielle, conceptuelle ou allégorique). Les lieux du jazz sont généralement définis du point de vue des activités jazzistiques qui s’y déroulent où s’y sont déroulées. Nous pouvons alors interroger la manière dont le lieu contraint ou influence le jazz. Qu’il s’agisse du lieu de création, de production, de distribution, de consommation ou d’enseignement.

La révolution internet et la pandémie de covid ont profondément transformé le rapport entre une musique et ses espaces de création. La dialectique entre une globalisation de la diffusion et une localisation de la production opère dans les espaces numériques et physiques. L’objet-jazz, en perpétuelle redéfinition, est plus que jamais difficile à cerner dans ses contours. Qu’elles soient musicales ou géographiques, les frontières sont mouvantes et poreuses. Elles restent pourtant un enjeu de pouvoir au niveau artistique et économique. Dans les différents pays européens, des identités jazzistiques fortes se sont constituées au fil du temps, résultat de relations particulières entre un territoire, une réception et des traditions musicales locales. Le soutien des politiques culturelles à la diffusion et à l’enseignement est un élément déterminant de cette construction, comme la structuration de réseaux européens dans ces domaines. La scène jazz en Europe se caractérise aujourd’hui par sa diversité géographique et stylistique, le rôle joué par les diffuseurs (festivals et clubs de jazz) et les pouvoirs publics, l’émergence de nouveaux lieux, les collaborations internationales et sa résilience face à des défis tels que la pandémie. Elle demeure une composante essentielle de la scène musicale mondiale, évoluant tout en conservant ses racines et son influence. Dans ce contexte, on peut se demander comment et où se fabrique le jazz durant ces cinquante dernières années en Europe. L’articulation entre les lieux, les pratiques et les publics doit être interrogée, afin de tenter de saisir les reconfigurations à l’œuvre aujourd’hui, qui préfigurent le paysage du jazz européen de demain.

Afin de tenter d’apporter des éléments de réponse à cette question, plusieurs axes de réflexion sont proposés. Ils ne sont pas limitatifs mais ont pour objet de rassembler les problématiques du secteur en trois grands domaines.

Le champ et l’objet
L’appréhension et la délimitation des notions de “lieux” et de “jazz” varient selon les différentes approches disciplinaires (musicologie, sociologie, ethnomusicologie, etc.). L’évolution des pratiques musicales et culturelles durant les cinquante dernières années a grandement impacté le secteur de la diffusion du jazz. L’arrivée d’internet a occasionné une révolution dans les modalités de rencontres et d’échanges entre les artistes et le(s) public(s). Ainsi, on peut s’interroger autant sur ce qui définit “l‘objet-jazz” que les lieux eux-mêmes au sein du champ jazzistique en constante mutation lors de ce dernier demi-siècle. L’ancrage dans l’espace et le corps social participe-t-il (ou non) à définir les pratiques ?

Les réseaux
Les dynamiques de réseaux de diffusion sont sans cesse remodelées par les interactions complexes entre les acteurs et actrices qui les constituent : diffuseurs, médias, musicien·ne·s, enseignant·e·s, publics, tutelles, etc. Selon les histoires propres à chaque pays européen, l’articulation entre les politiques publiques culturelles, les intérêts privés, les regroupements d’artistes et de diffuseurs, dessinent des géographies particulières du jazz. Ce qui est donné à entendre, à quels publics et dans quels cadres, les conditions offertes aux artistes et leur marge de liberté de création, sont le fruit de négociations, de lutte d’influence politique et financières, d’héritage culturel. Il est nécessaire d’appréhender finement les situations de chaque territoire à différentes échelles (ville, région, pays) et de les relier à des dynamiques globales au niveau européen. Des logiques particulières sont-elles susceptibles d’être observées dans les différents types de réseaux : création, reproduction, distribution, consommation (Leyshon, 1998) ?

Les crises
Le secteur de la diffusion du jazz traverse depuis cinquante ans de nombreuses crises. Les questions de viabilité économique des lieux, de recherche de financements publics du spectacle vivant et du renouvellement des publics sont des préoccupations majeures et constantes des lieux du jazz comme des musicien·ne·s. Une perspective historique sur les enjeux du secteur (économiques, artistiques, culturels, territoriaux, institutionnels, etc.) peut aider à comprendre quelles réponses ont éventuellement pu être apportées à ces questions. La récente pandémie, et le recul que nous avons maintenant sur cet événement, montrent d’une façon aiguë la fragilité d’un système et l’interdépendance de tous ses acteur·rice·s. Ceci peut-il nous aider à nous projeter à moyen terme et à mieux anticiper, sinon prévenir, d’autres crises à venir ?

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