Chronique

Bigre !

¡ Caramba !

Label / Distribution : Grolektif Productions

On dirait bien que les musiciens de Bigre ! ne sont pas près d’en avoir fini avec les voyages. Car cette émanation bouillonnante du Grolektif tourne avec ¡ Caramba ! une nouvelle page, tout aussi rythmée et ludique que les précédentes : la bande emmenée par le trompettiste Félicien Bouchot (principal compositeur et directeur artistique du Big Band en plus d’en être le trompettiste) a cette fois mis le cap sur Cuba pour en revenir les valises pleines à ras bord de mélodies et d’arrangements aux couleurs cuivrées et toujours aussi luxuriantes. Les deux disques précédents (Les icebergs aussi…, To Bigre Or Not To Bigre) étaient, chacun à leur manière et sur des tonalités distinctes, une manifestation d’euphorie itinérante. ¡ Caramba ! ne déroge pas à cette règle d’une formation qui a choisi une fois encore de faire tourner les têtes et, si possible, chavirer les corps. Parce que ce disque se présente comme une véritable invitation à la danse et comme un réjouissant festival de textures chaudes et endiablées. Tout en laissant une place importante à l’expression des solistes du groupe, très en verve comme à chaque fois.

Surtout, ¡ Caramba ! tranche sur ses prédécesseurs du fait de la présence à cinq reprises de chansons appartenant au patrimoine de la variété française. Et que bon nombre d’entre nous avaient peut-être oubliées, à condition toutefois d’être assez « anciens » pour les avoir gardées en mémoire. Les plus jeunes les découvriront et seront certainement curieux d’une comparaison avec les versions originales, pour mesurer le beau travail de transformation réalisé par Bouchot et ses petits camarades. Sont ainsi convoqués de vieux souvenirs : ceux de Jean Sablon (« Voyage à Cuba »), Jeanne Moreau (« Quelle histoire »), Barbara (« Gueule de nuit »), Edith Piaf (« Mea Culpa ») et Jacques Brel (« La chanson des vieux amants »). Et c’est à Célia Kameni qu’a été confié le soin de les faire revivre dans une ambiance pour le moins festive. On connaît la chanteuse notamment par sa présence régulière au sein de The Amazing Keystone Big Band, dont cinq des musiciens de Bigre ! – au premier rang desquels Félicien Bouchot lui-même – sont membres par ailleurs. Cerise sur le gâteau, Célia Kameni est venue avec une composition de son cru (« So Called Love »). Tout comme Kevin Louis qu’on retrouve à la manœuvre dans un mode très chaloupé sur « Eternalee ». Bigre ! fait penser à ces formations d’autrefois, celles qu’animaient Ray Ventura ou Jack Hélian. Plus près de nous, on pense aussi Grand Orchestre du Splendid. Il y a dans ce big band décidément surprenant par la diversité de ses choix – comme si chaque disque était un jalon sur un chemin non balisé – une sacrée réserve d’énergie dont ¡ Caramba ! témoigne avec beaucoup de persuasion.

Bigre ! fait partie des Grands Formats, on l’a dit : c’est un ensemble d’une bonne vingtaine de musiciens que les programmateurs rechignent souvent à engager pour des motifs d’ordre économique. Pourtant, à l’écoute de ¡ Caramba !, on se dit qu’il y aurait là matière à fédérer de nombreux publics et à susciter l’intérêt de bien des festivals. Les trop rares manifestations scéniques du groupe ont prouvé qu’on pouvait compter sur lui pour emporter l’adhésion. Avis aux amateurs de bonnes vibrations !

par Denis Desassis // Publié le 2 juillet 2017
P.-S. :

Loïc Bachevillier (tb), Yacha Berdah (tp), Félicien Bouchot (tp, dir), Sébastien Chetail (tb), Julien Chignier (as), Jean Crozat (tp), Romain Cuoq (ts), Grégory D’Addario (perc), Pierre Desassis (as), Thibaut Fontana (ts), Nicolas Frache (elb), Jérémy garcia (kb), Fred Gardette (bs), Rémi Gaudillat (tp), Riad Klaï (perc), Vincent Labarre (tp), Aurélien Joly (tp), Jean Joly (dms), Sylvain Thomas (tb), Jorge Mario Vargas (perc), Jonathan Volson (perc) + Célia Kameni (voc), Kevin Louis (voc).