Chronique

Bruno Angelini

Transatlantic Roots

Bruno Angelini (p, claviers, électronique), Fabrice Martinez (tp, bugle, électronique), Eric Echampard (dms)

Label / Distribution : Vision Fugitive

Le pianiste Bruno Angelini rend hommage à des grandes figures américaines qui incarnent les injustices, les combats ou la créativité artistique que ce pays a pu produire le long du XXe siècle. Au travers d’un beau livret, on découvre les photos de Jim Jarmusch, David Lynch, Rosa Parks, Mal Waldron, Julia Butterfly Hill et d’autres qui sont évoqués dans les huit compositions qui jalonnent le disque.

Pas d’illustration littérale pour autant, mais bien plutôt l’affirmation de l’univers esthétique du pianiste également aux claviers et à l’électronique. À savoir un lyrisme contenu, aux mélodies soignées, qu’il organise en véritable metteur en scène. Les pièces se succèdent comme des tableaux dont on peut suivre la dramaturgie interne comme générale. Alternant des climats introspectifs et des ambiances plus brûlantes, le film qu’il nous donne à entendre nous raconte un portrait d’une Amérique personnelle et universelle.

Porté par deux partenaires qui accompagnent le projet avec une grande justesse et une implication de tous les instants, Angelini fait le choix du trio. Il lui permet une grande mobilité dans les couleurs orchestrales et une légèreté exploratoire d’une grande souplesse. Ainsi le son de la trompette de Fabrice Martinez, au naturel comme distordu par une prothèse électronique, va des vagues caressantes à des interventions tranchantes comme des lames. La batterie d’Éric Echampard, quand à elle, est un feu qui entraîne un flux sonore avec une précision mathématique (notons le superbe « Cage’s Opening » ou Echampard n’a rien à envier aux drum’n’bass les plus dansants). Il sait toutefois, lorsque c’est nécessaire, s’effacer du premier plan pour n’être que l’indispensable fil rythmique qui diffusera une tonicité discrète .

Avec un sens équilibré du piano qui reste l’instrument fondamental, Angelini peint une fresque sensible et exutoire (voir notre interview) qui fait de ce Transatlantic Roots un disque réussi et un nouveau jalon dans une œuvre personnelle qui élargit ici son domaine d’investigation.