Chronique

Oliwood

Anatomy of Anarchy

Peter Evans (tp), Rudi Mahall (clb), Robert Landfermann (b), Oli Steidle (dm).

Label / Distribution : Jazz Werkstatt

Deuxième disque de ce projet récurrent mais épisodique du batteur allemand Oli Steidle (membre leader des Killing Popes), Oliwood voit le line-up du groupe changer à chaque fois. Changer au point, d’ailleurs, que seul le batteur en reste le pilier inamovible : pour donner suite à Euphoria paru en 2017 avec Frank Gratkowski et Kalle Kalima, c’est cette fois en quartet que Steidle engage le propos dans une esthétique différente.

Aux couleurs rock prog du trio précédent succède, en effet, une formation qui par bien des aspects évoque les approches libertaires d’Ornette Coleman (le titre du disque l’atteste). Par la composition du groupe bien sûr, puisqu’aucun instrument harmonique ne vient baigner les échanges de la trompette de l’Américain Peter Evans, figure novatrice de la scène américaine actuelle, et de la clarinette basse de l’Allemand Rudi Mahall, personnalité incontournable du jazz libre de ces dernières décennies Outre-Rhin. Ici, la sécheresse du son en fait la tonicité et l’engagement physique des musiciens en garantit la projection.

Par la liberté, ensuite, que les quatre s’autorisent. Tournant autour de thèmes tordus, parfois naïfs, qui peuvent toutefois s’avérer complexes, interprétés de manière faussement imprécise (avec toute la science que cela réclame) pour en rendre la dimension brute, ils construisent une matière sonore où chaque voix s’imbrique dans celles des autres en mobilisant des paramètres variables.

Les lignes fortes et cérébrales de la trompette viennent notamment croiser le fer avec celles de la basse de Robert Landfermann (que l’on connaît notamment chez le délicieusement abscons Christian Lillinger et son Open Mind For Society), ou encore le relâché frondeur de la clarinette - qui peut s’avérer vindicative - qui rejoint le foisonnement fougueux de la batterie. Tout cela, bien évidemment, est sujet à mouvement et recombinaison et fait de ce quartet une mécanique qui s’alimente de sa propre énergie. Pas d’ennui possible dans ce renouvellement permanent, mais au contraire la possibilité d’aborder des plages plus retenues avec la capacité de les maintenir dans un état pertinent et stimulant jusqu’au moment de lâcher les chevaux et reprendre les rênes d’un swing ultra tonique.

Le quartet tire ainsi sa vitalité de sa spontanéité ; il fait des caractères de ses membres une force commune qui, plutôt que de lisser les différences, se les approprie autour d’une envie commune à laquelle chacun adhère sans restriction : sa seule finalité est de rendre à l’auditeur le plaisir pris à ce jeu.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 15 décembre 2024
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